La famille nombreuse

 

Résumé

Âgé de 10 ans, Pierre nous raconte son vécu à l'intérieur d'une famille nombreuse au tournant du siècle.

Références

GARIGUE, Philippe, La vie familiale des Canadiens français.

PROVENCHER, Jean et Johanne BLANCHET, C'était le printemps, Boréal Express, 1980.

FORTIN, Andrée, Histoire de familles et de réseaux, Éditions Saint-Martin, 1987.

SYLVESTRE, Roger, Critère, Familles d'aujourd'hui, no33, 1982.

DUMONT, Micheline, Maîtresses de maison, maîtresses d'école, Boréal Express, 1983.

Le collectif Clio, Histoire des femmes au Québec, Québec, Loisir Inc., 1983.

Auteure

Mariette Savoie

 

Depuis 100 ans, la famille a bien changé. Peut-être as-tu déjà entendu tes parents ou tes grands-parents parler de famille
possédant 10 ou 20 enfants vivant à la campagne?  Voici une de ces familles. Un des enfants de la maison nous raconte
sa vie de tous les jours.

« Je m'appelle Pierre. J'ai 7 frères et 6 sœurs. Je suis le dixième de la famille et j'ai 10 ans. Je vis à la campagne sur
une ferme. Mon père est cultivateur et ma mère, maîtresse de maison. Mon grand frère dit que nous ne sommes pas
riches, mais je mange toujours à ma faim.

Pour déjeuner, j'ai mangé de patates rôties, des grillades de lard salé et des œufs. À midi, il y avait de la soupe aux pois,
du ragoût et des tartines à la mélasse. Ce soir, le menu se composait de fèves au lard, de fricassée d'oignons, de rôti
de porc et, comme c'est dimanche, pour dessert un « chômeur » au sirop d'érable… Yum, Yum !

L'automne et l'hiver, je vais assidûment à l'école du rang avec un de mes frères et deux de mes sœurs. Rose-Aline, l'aînée,
y enseigne. Au mois d'avril, j'ai manqué la classe pour faire les sucres et, depuis trois jours, je travaille aux semences avec
mon père et mes frères ; je mène les chevaux…

Pour nous récompenser, nos parents nous amèneront pique-niquer le jour de la Saint-Jean-Baptiste. Nous serons
plus d'une cinquantaine de personnes, avec les « blondes » de mes frères, les « tchums » de mes sœurs, mes oncles,
mes tantes, mes cousins et mes cousines.

On va avoir du plaisir à pêcher, à jouer à colin-maillard, à la « tag », à la marelle, à la cachette. On va aussi cueillir des
fraises des champs. Que j'ai donc hâte de revoir ma cousine Émilie… Cette fête va nous encourager pour le laborieux
temps des foins qui s'en vient en juillet.

Chez nous, tout le monde a un travail à faire. Ainsi, ma mère et mes sœurs s'occupent des enfants, de la nourriture,
du ménage, du lavage, du potager, de la couture, du tissage, de la laiterie. Nous, les hommes, on essouche, on défriche,
on laboure, on sème, on récolte, on fait la traite des vaches, on bûche, on refait les clôtures, on construit…

Pouvez-vous imaginer comment je suis habillé ? Je porte un chapeau de paille, un caleçon cousu par ma sœur Aurore
dans le tissu d'une poche de sucre, une chemise de flanelle rouge ayant appartenue à mes frères et une culotte en tissu
de l'armée. Je passe l'été nu-pieds.

L'hiver, je porte un casque « aviateur », une redingote de lainage, des mitaines et des bas de laine tricotés par ma
grand-mère et des « claques de caoutchouc. Quand j'ai froid, je peux rentrer me réchauffer près du poêle à bois qui, en
plus de chauffer toute la maison, sert à cuire la nourriture. Nous sommes souvent 17 à la tables.

Mais tu ne sais pas quoi ? Ma sœur Annette vient de m'apprendre que les « sauvages sont encore passés »… Ma mère a
« acheté » un garçon. Il paraît que mon père est content de ces nouveaux bras, qui, comme moi, pourront lui aider au
travail de la ferme. Je me demande bien comment ils vont l'appeler celui-là à son baptême.

Si ma mère réussit à mettre au monde 26 enfants, le dernier sera élevé à la charge de monsieur le curé.

Dans ma famille, on prie, on se chamaille, on pleure, on rit, on joue, on chante, on économise, on travaille, on vit… !

Mon père s'occupe de la ferme avec soin. Il planifie notre travail et vérifie si tout est bien fait. Dans la maison, c'est ma mère
qui contrôle tout avec efficacité. De plus, elle nous soigne, nous console, nous encourage, nous réprimande et s'occupe
de nos devoirs et de nos leçons.

Mes parents sont sévères. Je trouve qu'ils écoutent trop monsieur le curé et ses interdits : ne pas pécher, ne pas manquer
la messe du dimanche ni les vêpres, ne pas manger de viande le vendredi et savoir par cœur les 508 réponses de mon
catéchisme. Mes grands frères et mes grandes sœurs se plaignent aussi de leur grande sévérité, mais je ne sais pas
encore au juste pourquoi…

J'aime bien mes frères et mes sœurs. J'ai mes préférences, car certains s'occupent plus de moi que d'autres. À chaque fois
que les plus vieux parlent de partir, ils ont de la peine, et moi aussi. À mon tour, quand je serai grand, j'aurai une grosse famille. »

Comme tu le vois, la famille à bien changé. Et toi, aurais-tu aimé naître dans l'une de ces grandes familles ?

 

 

 

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