En 1850, un Québec anglais ou français ?

 

Résumé :

Pendant que les Anglais veulent angliciser les francophones, ceux-ci apprennent l'anglais tout en défendant leur langue.

Référence :

Revue d'Histoire d'Amérique française, vol. 34, no 2, septembre 1980.

Auteure :

Micheline Champoux

 

En 1841, le gouvernement de l'Angleterre décide de réunir en une seule province les territoires actuels du Québec
et de l'Ontario, territoires appelés alors Bas et Haut Canada. Les chefs anglais ont aussi décidé que l'anglais serait
la seule langue officielle du pays. Ils voulaient aussi que les Canadiens français arrêtent de parler le français même si,
à cette époque, la moitié du Canada parlait français.

Les francophones ne voulaient pas accepter de perdre leur langue, leurs lois et leurs habitudes de vie. De leur côté,
les Anglais ne comprenaient pas pourquoi les francophones ne voulaient pas apprendre la nouvelle langue de leur
pays. Les Anglais disaient que tant que les francophones n'apprendraient pas l'anglais, ils demeuraient inférieurs et
plus pauvres que tous leurs voisins anglophones.

Les francophones ont alors pensé qu'il fallait apprendre l'anglais pour connaître le mode de vie des anglophones, pour
pouvoir faire du commerce avec eux et pour travailler dans leurs industries. Mais jamais les Anglais n'ont pensé
qu'ils devraient apprendre le français pour comprendre les Canadiens français.

Tous les collèges et séminaires donnaient des cours d'anglais. Au séminaire de Nicolet, par exemple, l'anglais était
assez populaire pour que les étudiants acceptent de payer plus cher pour avoir des cours d'anglais. Plusieurs personnes
pensaient que le seul moyen de devenir plus riche était d'apprendre l'anglais. Dès 1845, la langue des affaires au
Québec était uniquement l'anglais. Ainsi, dans les villes de Québec et de Trois-Rivières, même les marchands qui
parlaient français mettaient des affiches en anglais devant leur magasin.

Certaines « dames riches » de Québec, pour paraître plus importantes, ajoutaient des mots anglais à leurs conversations :
cela faisait plus chic. Certains hommes d'affaires avaient honte de parler français devant les anglophones.

D'un autre côté, des journalistes et des écrivains continuaient de défendre la langue française. Entre 1840 et 1850, on
a publié des grammaires et différentes sortes de livres qui avaient pour but d'aider les francophones à bien parler leur langue.

Déjà à cette époque, on faisait la chasse aux anglicismes : on reprochait aux francophones d'utiliser le mot « office » au lieu
de bureau; « des argents » (qui était une mauvaise traduction de « monnies ») plutôt que de dire « de l'argent » ;
« grocery » plutôt qu'épicerie, etc.

Malgré tout, on peut dire que les Canadiens français étaient fiers de leur langue. Ils ne la croyaient pas réellement inférieure
ou moins importante que la langue anglaise. Ils ont refusé de s'assimiler, c'est-à-dire de devenir des Anglais, autant dans
leur manière de vivre que dans leur langue. Enfin, si la plupart des francophones ont voulu apprendre l'anglais, c'était pour
avoir plus de pouvoir, avoir un meilleur emploi et plus de moyens pour défendre leur langue.

 

 

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