Les débuts du français moderne

 

Résumé :

Le français québécois moderne a gardé plusieurs mots et expressions du français parlé au 17e siècle.

Références :

BRUNEAU, Charles, Petite histoire de la langue française, Paris, Armand Colin, 1969.

Cahiers de l'Académie canadienne-française, vol. 5, Montréal, 1960, p. 13-14.

DESCHAMPS, Hubert, Les voyages de Samuel Champlain, Paris, Presse Universitaire de France, 1951, p. 116-117.

Auteure :

Micheline Champoux

 

Vers 1600, les rois des pays voisins de la France abandonnent peu à peu le français. Cependant, en France, le
français s'impose lentement comme langue d'enseignement des sciences. Les guerres sont terminées et une société
plus riche et plus cultivée entoure le roi. Les dames de la haute société tiennent des « Salons » où tous les hommes
cultivés écoutent les poètes et les grammairiens.

Les grammairiens cherchent à fixer les règles de la langue française. Chacun veut imposer ses règles. Mais, pour avoir
de l'influence, il faut être un protégé du roi. Pendant plus de deux cents ans, les règles de grammaire varieront selon
les rois et les auteurs. Certains mots changeront plusieurs fois d'orthographe. Pendant ce temps, les paysans continueront
à parler le dialecte de leur région.

Au début du 17e siècle, Malherbe, un gentilhomme poète et grammairien, devient le protégé du roi de France. Il impose,
en même temps, ses lois pleines de rigueur sur la langue française. Il combat la négligence dans la précision du
vocabulaire et veut décider quels sont les mots à conserver et ceux à rejeter. Son acharnement à changer la langue de
Paris lui vaudra le titre d'artisan du français moderne.

Malherbe veut placer des articles devant les noms. Le « ne » avait toujours suffi à exprimer la négation. Malherbe dira
qu'une négation doit comprendre deux mots : ne … pas, ne … point, etc. Il enseignera les nouvelles lois de la phrase
correcte. Mais beaucoup d'écrivains ne sont pas d'accord avec lui et certains continuent d'utiliser leurs propres formes
d'écriture.

La langue devient un important sujet de discussion dans la haute société. On joue à faire des phrases sophistiquées,
on corrige sa prononciation. Le roi Louis XIV regroupe des spécialistes de langue française et fonde l'Académie
française en 1635. L'Académie sera une sorte de police de la langue. Elle pourra décider des règles du bon parler et
aura pour mission d'écrire une grammaire et un dictionnaire.

À la même époque, la France, grâce à la conquête de nouveaux territoires, va augmenter son influence en Europe. On
recommence à parler français à la cour d'Angleterre, des Pays-Bas et de Russie. Certaines écoles allemandes enseignent
en français. La plupart des nobles de l'Europe connaissent le français mais le peuple de France l'ignore encore. Il continue
à parler des dialectes régionaux.

Seul le peuple de la région de Paris, une province qu'on appelle l'Ile de France, parle la langue des nobles, le français.
C'est à cette époque que débute le peuplement de la nouvelle colonie en Amérique : la Nouvelle-France. Les premiers
colons, qui viennent de différentes parties de la France, parlent différents dialectes. À cette époque donc, commence
l'histoire de la langue française au Québec.

Au début du 17e siècle, époque où Champlain fonde Québec, le français avait beaucoup de points communs avec
le français d'aujourd'hui. Champlain, sans être un grand écrivain, a raconté ses explorations en Nouvelle-France avec
beaucoup de détails et en utilisant un langage que l'on peut encore comprendre aujourd'hui. Voici un extrait d'un
texte écrit par Champlain.

Lis-le et essaie de le comprendre. Note aussi qu'une lieue est une mesure de distance égale à environ quatre kilomètres.

« Plus proche dudit Quebecq, il y a vne petite riviere qui est au Nort et vn quart du Norouest de nostre habitation, ce
fut le lieu où Jacques Quartier yverna, d'autant qu'il y a encores à vne lieue de la riviere des vestiges come d'vne cheminee,
dont on a trouvé le fondement, et apparence d'y avoir eu des fosséz autour de leur logement, qui estoit petit. »

Le français du Québec moderne possède beaucoup d'expressions du 17e siècle, expressions qui ont été oubliées chez
les Français. Victor Barbeau, qui a beaucoup étudié les origines de la langue québécoise, a inventé un court texte où il
utilise de vieux mots français perdus en France mais courants dans le français québécois. Voici un extrait de ce texte.

S'il y a des mots que tu ne comprends pas, c'est peut-être parce qu'ils sont en train de disparaître de notre langue.
Demande leur signification à des personnes âgées ; elles connaissent tous les mots de cet extrait.

« Pendant qu'on appareillait le souper, à la lueur de la flambe qui lichait les pierres du foyer, un étrange, arrivé de tantôt et
pas trop en amour avec le maître qui barguignait ses perdrix, était accouté au mur et, tanné de ces interminables
parlements, se demandait s'il ne vaudrait pas mieux canceler son offre. Il avait un apointement ailleurs et les chemins
n'étaient guères alabes. »

Si la langue des premiers Canadiens n'avait pas changé ni au Québec, ni en France, il serait tout à fait correct de dire
encore : estatue, esquelette, espécial, etc. Le féminin de malin ne serait pas maligne, mais maline. Épingle serait
encore épingue. Barguigner, canceler et mouver (du verbe mouvoir) ne seraient pas considérés comme des anglicismes,
car ils étaient utilisés par les Français du 17e siècle.

 

 

 

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