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Cahiers du Séminaire québécois en philosophie moderne / Working Papers of the Quebec Seminar in Early Modern Philosophy

No. 1 (2015)

NUMÉRO COMPLET [PDF]

ARTICLES INDIVIDUELS :

Sébastien PRAT : «Inconstance et distinguo : deux concepts centraux du scepticisme des Essais de Michel de Montaigne» (p. 1-19) [PDF]

La contribution des Académiques de Cicéron aux Essais de Montaigne est bien plus significative que Montaigne n'a voulu le laisser penser et que les études montaignistes ont pu le croire. À travers la notion d'inconstance, avec laquelle discutent aussi bien le scepticisme ancien que les Essais, nous soulignerons l'influence du livre de Cicéron sur les Essais et la radicalité du doute de Montaigne grâce à ce «nouveau» fondement du scepticisme. Nous montrerons ensuite que le distinguo, autre concept central de l'analyse morale chez Montaigne (II, 1), en lien avec les choses apparentes (phénomènes) du scepticisme ancien, permet de montrer qu'a lieu chez Montaigne la constitution d'un scepticisme moderne.

The contribution of Cicero's Academics to Montaigne's Essays is considerably more significant than Montaigne himself has led to suppose and that recent studies enabled to believe. Through the notion of inconstancy, to which ancient scepticism addresses itself as favourably as do the Essays, we shall emphasize the influence of Cicero's manuscript on Montaigne's Essays, and the radicalism of the latter's doubt on account of this «new» basis of scepticism. We will subsequently illustrate that distinguo, another fundamental concept inherent to Montaigne's moral analysis (II, 1), linked to the apparent things (phenomenon) of ancient scepticism, allows to demonstrate the establishment of a modern scepticism in Montaigne's thought.

Filip BUYSE : “The Distinction between Primary Properties and Secondary Qualities in Galileo Galilei's Natural Philosophy” (p. 20-45) [PDF]

In Il Saggiatore (1623), Galileo makes a strict distinction between primary and secondary qualities. Although this distinction continues to be debated in philosophical literature up to this very day, Galileo's views on the matter, as well as their impact on his contemporaries and other philosophers, have yet to be sufficiently documented. The present paper helps to clear up Galileo's ideas on the subject by avoiding some of the misunderstandings that have arisen due to faulty translations of his work. In particular, it shows how Galileo's distinction directly implicates a novel understanding of physical bodies, which played an important part in his later condemnation by the Catholic Church. At the same time, the paper also argues that Galileo's distinction can already be found in the text and illustrations of earlier, popular Copernican writings.

Dans Il Saggiatore (1623), Galilée fait une distinction claire entre qualités primaires et secondaires. Bien que cette distinction continue à faire l'objet de débats, la doctrine de Galilée et son impact sur d'autres philosophes ne sont pas suffisamment documentés dans la littérature secondaire. Cet article contribue à éclairer les idées de Galilée en évitant certains des malentendus qui ont surgi en raison de traductions incorrectes du texte original. En particulier, il montre comment la distinction implique une nouvelle définition des corps qui a joué un rôle dans la condamnation de l'auteur du Dialogo. Du même souffle, l'article fait valoir que la distinction se trouvait déjà dans le texte et les illustrations de précédents écrits coperniciens.

Ethel ROCHA : “Innate Ideas and the idea of God in Descartes's Fifth Meditation” (p. 46-61) [PDF]

In this article I examine the concept of innate idea as present in Descartes's argument in the Fifth Meditation in order to show its fundamental role in enabling the distinction between ideas of essences produced by the mind and ideas of true and immutable essences. Besides showing that, this analysis has, I suggest, the advantage of avoiding difficulties concerning the whole of the Cartesian system, since it harmonizes the Fifth Meditation with the Meditations as a whole, in considering it as possessing not only an ontological dimension, as traditionally understood, but also, and essentially, an epistemic dimension like all the others.

Dans cet article j'examine le concept d'idée innée dans l'argumentaire présenté par Descartes dans la cinquième des Méditations métaphysiques, en vue de montrer son rôle fondamental pour la distinction entre les idées d'essences produites par l'esprit et les idées d'essences vraies et immuables. En outre, la lecture ici suggérée a l'avantage d'éviter des difficultés concernant la totalité du système cartésien, puisqu'elle harmonise cette méditation avec l'ensemble des Méditations, en la considérant comme ayant non seulement une dimension ontologique, telle qu'elle est traditionnellement comprise, mais aussi, et surtout, comme ayant une dimension épistémique, comme toutes les autres.

Paola NICOLAS : «Antoine Arnauld et les théories jésuites de l'imputation à péché : la querelle du péché philosophique» (p. 62-79) [PDF]

Cet article réexamine les raisons pour lesquelles Arnauld s'est rallié au cartésianisme en expliquant comment ce dernier  fait de la définition cartésienne de la pensée un cheval de bataille contre la théologie morale jésuite. En  particulier, c'est depuis les principes de la nouvelle philosophie qu'Arnauld s'attaque aux théories d'imputation à péché développées au cours de la querelle du péché philosophique des années 1680-1690 et  à la possibilité de fonder l'imputation morale sur la présence en l'esprit de normes morales imperceptibles.

This article revisits the reasons why Antoine Arnauld became Cartesian by examining his use of Descartes' definition of thought to argue against the Jesuits' moral theology. Namely, it is according to the principles of the New Philosophy that Arnauld criticizes their theories of moral imputation developed during the dispute of philosophical sin in 1680-1690, as well as the possibility of grounding moral imputation on imperceptible moral norms in the mind.

Mireille Mai TRUONG : «Les antinomies dans la pensée d'Antoine Arnauld» (p. 80-95) [PDF]

Arnauld est souvent accusé d'attaquer ses adversaires philosophiques et de défendre différents dogmes catholiques plutôt que de construire son propre système métaphysique. J'examine cette allégation en étudiant principalement deux contradictions apparentes de sa pensée, afin de décider si elles ébranlent son système, si système même il y a. L'une se manifeste quand Arnauld passe de la sémantique à la théologie et concerne son interprétation de la Cène. L'autre est alléguée par Nadler et se rapporte au concept arnaldien de Dieu, dans lequel volonté et sagesse seraient identifiées, entraînant à l'insu du philosophe des conséquences fâcheuses.

Arnauld is often accused of attacking his philosophical enemies and defending various catholic dogmas, rather than constructing his own metaphysical system. I examine this allegation by studying mainly two apparent contradictions in his thought in order to decide whether they threaten his system, and if there even is a system. One contradiction becomes apparent when Arnauld shifts from semantics to theology and concerns his interpretation of the Last Supper. The second one is raised by Nadler. Arnauld is alleged by him to be blind to the unfortunate consequences of his concept of God in which will and wisdom are identical.

Han Thomas ADRIAENSSEN : “Anti-Scepticism in the Wake of Descartes. The Case of Pierre-Sylvain Régis” (p. 96-116) [PDF]

In his Système de philosophie, the Cartesian philosopher Pierre-Sylvain Régis claimed to have found a refutation of scepticism so simple, that it made him wonder why others had been so slow in seeing this way out of doubt and uncertainty. However, Régis's proof has been criticized by his contemporary Jean Duhamel and by modern scholars such as Norman Wells. In this paper, I argue that Régis's refutation of scepticism needs to be read in the light of ideas developed by such fellow-Cartesians as Antoine Arnauld and Robert Desgabets. Contextualizing Régis's argument, I propose, will help us to see how some of the difficulties that have been raised for his argument can be addressed.

Dans son Système de philosophie, le philosophe cartésien Pierre-Sylvain Régis prétend avoir trouvé une réfutation du scepticisme si simple qu'il se demande pourquoi les autres ont mis tant de temps à se sortir du doute et de l'incertitude. Toutefois, la preuve de Régis a été critiquée par son contemporain Jean Duhamel et par des interprètes contemporains tels que Norman Wells. Cet article soutient que la réfutation du scepticisme de Régis doit être lue à la lumière des idées développées par d'autres philosophes cartésiens de l'époque tels qu'Antoine Arnauld et Robert Desgabets, et que cette contextualisation de la preuve de Régis est cruciale pour répondre à plusieurs des critiques qui lui ont été adressées.

Michael D. BURROUGHS : “Conflicting Sentiments: Mandeville, Hutcheson, and Hume on Virtue and Self-Interest” (p. 117-137) [PDF]

In this paper I evaluate challenges to Mandeville's egoist characterization of man by Hutcheson and Hume. I discuss Mandeville's genealogy of virtue in An Enquiry into the Origin of Moral Virtue and consider Hutcheson's reply in An Inquiry into the Original of Our Ideas of Beauty and Virtue. Hutcheson's reply fails insofar as it does not escape the explanatory reach of Mandeville's genealogical discussion of self-interested motivations to virtue. Where Hutcheson fails, however, I argue that Hume succeeds. In the Treatise Hume acknowledges the tenable arguments of Mandeville's egoism while still demonstrating that approbation of virtue can extend beyond self-interest.

Dans cet article, j'examine les critiques qui ont été formulées par Hutcheson et Hume contre la caractérisation égoïste de l'homme opérée par Mandeville. Je présente la généalogie de la vertu offerte par Mandeville dans An Enquiry into the Origin of Moral Virtue et la réponse qu'y apporte Hutcheson dans An Inquiry into the Original of Our Ideas of Beauty and Virtue. La réponse de Hutcheson échoue, selon moi, car elle n'échappe pas à la portée explicative de la généalogie mandevillienne des motivations égoïstes à la vertu. Toutefois, je soutiens que Hume réussit là où Hutcheson échoue. Dans le Traité, Hume reconnaît que les arguments de Mandeville sur l'égoïsme moral sont valides, tout en démontrant que, malgré tout, la vertu peut aller au-delà de l'intérêt personnel.