Glossaire: E

Écriture réflexive qui peut devenir professionnalisante

L'écriture réflexive est un dispositif structurant utilisant l'écriture pour réfléchir sur sa pratique professionnelle et l'analyser a posteriori. Elle est source de construction de connaissances, de développement de compétences, mais aussi de formation et d'autoformation. L'action associée à l'écriture réflexive vise la modélisation de la pratique professionnelle?; elle cherche donc la conceptualisation passant par un regard sur l'action (une mise à distance) même si celui-ci tire profit du regard posé dans l'action (Lafortune, à paraître en 2009). L'écriture réflexive se distingue de l'écriture narrative où il est question de raconter une histoire, de faire part d'une anecdote, de communiquer des faits d'histoire, d'expériences, de pratiques... de préciser des aspects contextuels, affectifs, etc. Une écriture réflexive émerge d'expériences contextualisées potentiellement transposables.

Cette écriture réflexive peut être comprise comme source de construction de connaissances et source de formation, elle a un effet structurant. La personne qui exerce une écriture réflexive entre dans une boucle où à la fois elle construit ses connaissances, se forme et pose des gestes professionnels. Dans l'action d'écriture et dans les suites de cette action, elle conceptualise sa pratique et met en pratique cette conceptualisation – en lien avec le développement de la praticienne ou du praticien réflexif qui crée son modèle de pratiques. La personne se distancie de l'action, elle prend un recul, elle se décentre, elle décontextualise l'action. Elle peut même en venir à faire émerger une théorie, généralisable, communicable… Ce n'est plus le «?je?» personnel qui écrit, mais le «?je?» professionnel. La personne écrit pour réfléchir sur le développement de ses compétences professionnelles, pour éventuellement le communiquer à d'autres afin d'en discuter et ainsi, d'améliorer sa pratique. Le développement de ses compétences professionnelles devient objet de réflexion?; cela peut devenir un processus d'autoformation.

L'exercice de l'écriture réflexive comporte un aspect professionnalisant à souligner (cela contribue au développement d'une identité professionnelle, à la construction de savoirs d'expérience, etc.). L'écriture réflexive n'est pas innée, elle suppose un apprentissage, une bonne dose d'humilité, de confiance en soi et aux autres. C'est aussi une reconnaissance de l'erreur comme source de formation. Au contraire d'une écriture «?libre?», l'écriture réflexive, dans l'accompagnement socioconstructiviste, s'exerce à partir d'éléments ou de critères prédéterminés. L'écriture réflexive peut devenir «?professionnalisante?». Réflexive, elle contribue à réfléchir sur le développement de ses compétences professionnelles pour éventuellement en discuter avec d'autres et ainsi, améliorer sa pratique. Le développement de ses compétences professionnelles devient donc objet de réflexion. Le processus d'écriture se situe alors dans une perspective de professionnalisation en contribuant au développement d'une identité professionnelle et à la construction de savoirs d'expérience. (Lafortune, à paraître en 2009) (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008b).

Engagement

Guillemette (2006) définit l'engagement comme un investissement personnel consentant, volontaire, conscient et décidé ou un attachement profond. L'engagement montre qu'une personne croit à l'importance d'un objet ou d'une personne à laquelle elle est liée et il garantit la réalisation d'une tâche dans laquelle cette personne s'était engagée. Kiesler (1971) associe aussi l'engagement à une tâche comme s'il était «?le lien qui relie un individu aux actes qu'il réalise consciemment, librement et volontairement. Selon cet auteur, seuls les actes engagent les individus…?» (Kiesler, 1971, rapporté dans Pirot et De Ketele, 2000, p. 368-369).

Dans l'accompagnement d'un changement, l'engagement fait également référence) aux actes en incitant les personnels à passer à l'action, car pour mettre un changement en oeuvre, le passage à l'action est nécessaire. Cependant, l'engagement peut aussi préparer le passage à l'action donc une personne peut être engagée sans pour autant être passée à l'action. Dans une démarche d'accompagnement, les personnes ne passent pas nécessairement toutes à l'action au même moment. Une personne peut se dire engagée, mais selon son niveau d'engagement dans le changement, elle va se mettre ou non en mode action. Pour certaines personnes le passage à l'action nécessite plus de temps. À l'inverse, certaines actions peuvent être posées sans qu'il y ait de véritable engagement. Le modèle d'accompagnement suscite néanmoins chez les personnels accompagnés, la prise de conscience de la nécessité d'un passage à l'action pour progresser dans le processus de changement.

En d'autres termes, l'engagement se manifeste à travers des actions et des gestes professionnels qui sont observables. La personne engagée le démontre par ses actes et cela même si elle doit le faire dans des situations qui ne sont pas toujours propices ou favorables à la mise en œuvre du changement.

«?Être engagé?» peut ainsi signifier essentiellement subir une contrainte?; c'est l'engagement hétéronome ou l'engagement subi (Jaros et al., 1993?; Johnson, 1995). Ce type d'engagement hétéronome peut exister simplement parce que le changement est considéré comme impossible. La personne continue alors son engagement parce qu'elle considère qu'elle ne peut pas faire autrement (Adams, 1999?; Becker, 1964?; Gérard, 1965?; Levinger, 1999). Au contraire de cet engagement forcé, l'auto-engagement suppose la liberté accompagnée de contraintes (Strauss, 1992) et la responsabilité ou la croyance que la situation ne dépend pas uniquement des contraintes structurales, mais aussi de soi, de ses choix, de ses actions (Nadot, 1998) […]. [L']individu peut «?être engagé?» sans s'être engagé lui-même ou sans l'avoir fait consciemment et volontairement (Becker, 1964?; Lawler et Yoon, 1993?; Leik et al., 1999?; Strauss, 1992). En d'autres mots, l'état d'engagement [ou l'engagement-état] peut être la conséquence d'un engagement hétéronome (Guillemette (2006, p.18-21).

Par ailleurs, on peut dire que l'engagement est un processus dynamique et évolutif qui demande à prendre en considération plusieurs dimensions de l'engagement (affective, cognitive, métacognitive et sociale). Ces dimensions s'inscrivent dans une perspective socioconstructiviste, ce qui tend à montrer que l'engagement se développe et se transforme selon les interactions que les personnes entretiennent avec leur environnement professionnel. Cependant, il y a une distinction à faire entre le concept d'engagement (investissement personnel consentant, volontaire, conscient et décidé ou un attachement profond) et le concept d'engagement dans un contexte de changement majeur et prescrit (se remettre en question, réfléchir à ses pratiques, prendre des initiatives, se mettre en action). Par conséquent, l'engagement prend différents sens selon le contexte dans lequel il est traité.

Seule la personne peut définir son engagement et s'engager, d'où le «?s'?», la forme pronominale signifiant davantage que «?le soi est à la fois sujet et objet de l'action et donc qu'il s'agit d'engager soi-même par soi-même. Lorsqu'une action possède cette caractéristique, c'est-à-dire lorsque son sujet et son objet sont identiques, cette action peut être qualifiée d'autonome?» (Guillemette, 2006, p. 17). Il est possible d'observer des manifestations de l'engagement chez une personne, entre autres, par ses attitudes et ses actions. Dans la perspective d'un accompagnement socioconstructiviste pour la mise en œuvre d'un changement, l'engagement intrinsèque est une façon d'exprimer sa liberté et suppose un choix volontaire. Par l'observation des attitudes et des actions de la personne, il est possible de percevoir son engagement, de l'interpréter et de le qualifier. Dans le sens du modèle d'accompagnement professionnel d'un changement, s'engager c'est se mettre en situation (adopter une posture) de développement professionnel. Les orientations du modèle visent à faire naître un certain niveau d'engagement chez les personnels accompagnés afin qu'ils posent des actions qui soient susceptibles de favoriser la mise en œuvre du changement au sein de leur organisation. Dans le sens du modèle, seule la personne peut définir, témoigner et rendre compte de son engagement par ses actions, qu'elles soient conscientes ou non. Une des caractéristiques de la personne engagée pourrait être que cette dernière prend des initiatives et qu'elle va au-delà de ce qui est prescrit. Une personne qui agit ainsi montre qu'elle aime ce qu'elle fait, qu'elle y croie, et qu'elle éprouve du plaisir à le faire. Elle a un certain intérêt envers la profession et ses actions professionnelles lui permettent de s'accomplir au plan personnel et professionnel. Elle est proactive, est persévérante dans l'action et a le sens des responsabilités. Elle cherche à comprendre ou à poursuivre des actions entreprises dans un contexte donné et elle contribue à ces actions en tenant compte de ses valeurs, de ses croyances… L'engagement peut aussi faire référence au goût ou à l'intérêt manifesté dans les expériences individuelles et collectives à réaliser. Selon l'intérêt manifesté pour le changement à mettre en place, l'engagement pourra être «?plutôt faible?» ou «?très élevé?». Si cet engagement est élevé, les obstacles au changement sont rapidement levés et des solutions sont facilement envisagées. S'il est plutôt faible, les obstacles mènent facilement au retrait, au découragement et à un moindre engagement dans la recherche d'une solution (Lafortune, Mongeau, Daniel et Pallascio, 2000). Il existe divers types d'engagement comme l'engagement professionnel, l'engagement relationnel, l'engagement volontaire, cognitif, réflexif, et autres (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008).

Enrichissement de la culture associée au domaine visé par le changement

L'enrichissement de la culture associé à un domaine visé par le changement est l'introduction de nouvelles connaissances, de nouvelles pratiques, de nouveaux concepts, sujets, objets ainsi que le développement de nouvelles compétences, de nouvelles stratégies… liés à un champ d'expertise et à un milieu qui aide à offrir un accompagnement qui comprend des éléments de formation nécessaires à la compréhension des fondements qui guident la volonté d'un renouvellement. Il favorise le partage d'une lecture éclairée du changement en offrant une vision du changement appuyée par des arguments crédibles à proposer à ceux et à celles qui manifestent le désir de comprendre le changement ou de la résistance. Il ne s'agit pas de «?convertir?» ou d'«?endoctriner?» les personnes accompagnées, mais de plutôt les amener à réfléchir aux objets et à la portée du changement ainsi qu'aux raisons associées à ses fondements pour faire cheminer la pensée des personnes accompagnées ce qui peut les inciter à comprendre ou à accepter graduellement ce changement.

La mise en œuvre d'un changement prescrit et majeur suppose l'enrichissement de la culture liée au champ d'expertise visé par le changement dans une organisation ce qui aide à comprendre les fondements du changement et développe l'autonomie nécessaire pour faire des adaptations à ses pratiques professionnelles ou à son modèle de pratiques. Dans un monde en changement, le rehaussement de la culture professionnelle est associé à la formation continue ainsi qu'aux régulations successives apportées à ses pratiques professionnelles. Pour être ou devenir une personne accompagnatrice, l'enrichissement de la culture liée à un champ d'expertise devient nécessaire?; il aide les personnes accompagnées à établir des liens entre la théorie et la pratique.

Développer une culture associée au domaine visé par le changement à mettre en œuvre aide à assurer la cohérence, la pertinence et les assises théoriques à une démarche d'accompagnement. Des questions se posent toutefois sur l'étendue et la profondeur à donner à cette culture. Selon Lafortune et Martin (2004), cette culture ne se limite pas seulement à un répertoire de connaissances. C'est un ensemble constitué d'attitudes, de connaissances, de stratégies, d'habiletés, de compétences et d'expériences qui permettent de développer le sens critique, la créativité, une mise à distance et l'assurance de la personne accompagnée. Cette culture est active dans le sens ou la personne accompagnatrice mobilise ses ressources et son répertoire d'exemples dans la démarche d'accompagnement. Cela suppose qu'il existe des liens entre les différentes propositions d'actions et les fondements théoriques mis de l'avant (adapté de Lafortune et Martin, 2004) (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008a,b).

Évaluation dans l'accompagnement d'un changement

L'évaluation est une démarche complexe qui consiste à avoir un regard et à faire une réflexion critique sur le renouvellement de pratiques professionnelles qui mettent en œuvre le changement et sur le degré de mise en œuvre de ce changement dans une organisation. Il s'agit de porter un jugement sur la valeur de sa progression dans un processus de changement ainsi que sur celle des personnels accompagnés. Dans l'accompagnement d'un changement, les pratiques évaluatives ont une fonction d'aide et de soutien à l'accompagnement. Elles se font dans une perspective de cheminement et de développement professionnel en considérant les éléments de prescriptions et les orientations du changement à mettre en œuvre.

L'évaluation se fait à partir de données recueillies auprès de personnels accompagnés, selon des critères explicitement énoncés. Une fois analysées et interprétées ces données sont discutées avec les personnels qui peuvent ainsi mesurer et valider la progression du changement ou le développement de leurs compétences professionnelles à l'accompagnement d'un changement. Selon cette conception, les pratiques évaluatives aident à guider le choix d'actions futures et à décider des mesures à prendre pour poursuivre un cheminement professionnel et pour continuer à progresser dans le processus de changement. Dans l'accompagnement socioconstructiviste d'un changement, l'évaluation est réflexive-interactive?; c'est-à-dire qu'elle accorde une place importante à la réflexion, à la contribution ainsi qu'à l'engagement des personnels accompagnés en prenant en considération leurs idées, leurs valeurs, leurs points de vue et leur expertise professionnelle. Cette évaluation aide également à connaître, à analyser et à comprendre le degré de mise en œuvre du changement, à examiner ce qui est effectivement implanté, le temps nécessaire pour y arriver et le degré d'autonomie que les personnels ont intégré dans le processus de changement (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008a).

 

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