Glossaire: A

Accompagnement socioconstructiviste d'un processus de changement axé sur le renouvellement de pratiques professionnelles

L'accompagnement d'un processus de changement est une mesure de soutien liée à un champ d'expertise professionnelle. Offerte par des personnes qui accompagnent des personnels visés par le changement selon un modèle de pratiques professionnelles, cette mesure vise la construction de connaissances relatives au changement et le développement de compétences professionnelles pour l'accompagnement. Ce modèle de pratiques peut différer d'une personne à l'autre, mais il respecte néanmoins les fondements, les visées et les orientations du changement à mettre en œuvre. Au cours de l'accompagnement, la personne accompagnatrice partage et discute de sa représentation du changement avec les personnels qu'elle accompagne. Ces échanges vont parfois modifier certains aspects de sa représentation qui l'oblige à s'ajuster en situation, tout comme elle va, au cours de l'accompagnement, influencer elle aussi la représentation du changement et le modèle de pratiques des personnes qu'elle accompagne. L'accompagnement suppose une connaissance des fondements, des visées et des orientations du changement qui sont intégrés – ou en voie de l'être – au modèle de pratiques de la personne accompagnatrice. Ce modèle de pratiques oriente l'ensemble des décisions et des gestes professionnels qu'elle accomplit en situation d'accompagnement afin de susciter l'engagement de personnels, de les soutenir et de les guider.

La perspective socioconstructiviste adoptée suppose que la personne accompagnée structure ses connaissances au regard du changement et développe des compétences professionnelles pour l'accompagnement en interaction avec la personne accompagnatrice et les autres personnes du groupe. Au cours de la démarche, les personnels confrontent leurs représentations du changement et ajustent leur modèle de pratiques en observant, examinant et analysant les constructions individuelle et collective que les personnes se font à propos du changement, mais elles sont aussi confrontées au modèle de pratiques préconisées par le changement à mettre en œuvre. Les interactions provoquent des conflits (socio)cognitifs et suscitent des prises de conscience au regard des constructions élaborées. Les personnes réfléchissent, posent des questions, font des constats, élaborent des constructions dans l'action, donnent du sens au changement qu'elles cherchent à comprendre pour se l'approprier. Si elles sont significatives, les interactions font évoluer les représentations et peuvent modifier le modèle de pratiques des personnels accompagnés. La complémentarité des personnels et des expertises du milieu enrichit la démarche qui s'instaure alors sous l'égide d'un véritable partenariat. L'accompagnement prend en compte différentes dimensions de l'individu?: cognitive, métacognitive, affective et sociale (inspiration de Lafortune et Deaudelin, 2001). Au plan du contenu, cet accompagnement allie théorie et pratique, réflexion et action qui le sont de façon intégrée et complémentaire. L'accompagnement socioconstructiviste suppose la mise en œuvre d'une certaine culture associée aux fondements du changement qui se manifeste à travers cinq composantes?: les attitudes, les connaissances, les stratégies, les habiletés et les expériences, mais aussi par le développement et l'exercice de compétences professionnelles qui favorisent l'exercice d'un leadership d'accompagnement (inspiration de Lafortune et Martin, 2004) (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008a).

Accompagnement professionnel

Un accompagnement professionnel est un soutien axé sur un processus de professionnalisation. Il suppose une cohérence entre ce qui est réalisé par les personnes accompagnatrices auprès des personnes accompagnées et ce que l'on voudrait que ces dernières fassent auprès des personnes qu'elles accompagnent. Cet accompagnement prend la forme d'un modelage, en fournissant un exemple en action, à transposer dans l'accompagnement des milieux ou groupes de travail. Cet accompagnement professionnel vise les personnes qui ont à mettre en œuvre un changement exigeant des changements de pratiques professionnelles ce qui suppose des remises en question, des appréhensions, des incertitudes, des ambiguïtés, des prises de risques. Cet accompagnement suppose l'engagement dans une pratique réflexive-interactive des personnes accompagnatrices et accompagnées.

Ce type d'accompagnement se réalise en collaboration avec les milieux ou groupes accompagnés qui décident de leur cheminement au regard des besoins exprimés pour l'accompagnement d'un changement. Les choix se font de manière concertée en fonction des ressources, de l'expertise des personnels, de ce qui se fait déjà dans le milieu, des visées et des orientations du changement. Les personnes accompagnées transposent le modèle d'accompagnement professionnel en adaptant la démarche à leur contexte d'intervention. Pour ce faire, elles sont invitées à garder des traces de leur démarche d'accompagnement ainsi que des expériences réalisées dans leur milieu de travail. Cette façon de faire permet de suivre l'évolution des personnes et des groupes accompagnés et témoigne de leur propre démarche. L'accompagnement professionnel sous-tend un travail en collégialité qui peut, avec le temps, se transformer en collaboration professionnelle (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008a).

Anticipation

L'anticipation est une démarche qui permet de repérer certaines réactions prévisibles en essayant d'en comprendre les raisons et les conséquences dans le cheminement des individus et d'un groupe, mais aussi pour la progression du changement. L'anticipation est réalisée lors de la préparation d'une intervention. Par exemple, en élaborant des questions, les personnes accompagnatrices anticipent certains éléments de réponse à leurs questions. L'exercice permet une validation des questions et aide à prévoir des sous-questions qui serviront à relancer la réflexion ou la discussion en cours d'accompagnement. En essayant de répondre à ses propres questions, la personne accompagnatrice peut également réaliser leur niveau de difficulté, de clarté ou de précision. L'anticipation peut également se réaliser au regard des réactions vis-à-vis d'une tâche à réaliser ou du contenu théorique à présenter ou de la façon dont l'accompagnement sera mené. Il ne s'agit pas d'orienter le type de réponses, mais d'être suffisamment clair pour faire avancer la réflexion. L'anticipation favorise les ajustements avant et pendant. Un retour sur la justesse des anticipations permet de les valider et d'ajuster une action future (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008b).

Autoévaluation

Dans une pratique réflexive, l'autoévaluation se veut un processus où le praticien ou la praticienne reconnaît ses forces et les aspects à améliorer dans sa façon de préparer, réaliser, analyser et ajuster une intervention ainsi que dans sa façon d'amener les personnes accompagnées à le faire. L'autoévaluation est «?une appréciation ou […] réflexion critique sur la valeur d'idées, de travaux, de situations, de démarches, de cheminements, de processus, d'habiletés, de connaissances en termes qualitatifs à partir de critères déterminés par la personne apprenante?» (Paquette, 1988). Pour que l'autoévaluation prenne un sens et soit susceptible de mener à des changements de pratique, utiliser un journal de réflexion ou d'accompagnement pour clarifier son processus autoévaluatif et en partager des éléments avec des collègues s'avèrent des moyens d'approfondir la pratique réflexive (Saint-Pierre, 2004). Les personnes peuvent aussi s'autoévaluer avant de s'observer en action, c'est-à-dire qu'elles peuvent indiquer comment elles jugent leurs habiletés à réaliser une tâche, par exemple. À la fin de la réalisation de la tâche, il s'agit de revenir sur son autoévaluation pour vérifier si la perception qu'on avait de soi était juste. Bref, l'autoévaluation est pertinente au plan d'une démarche d'accompagnement parce qu'elle permet de poser un regard sur la façon de se préparer, de passer à l'action ou d'agir dans l'action et de faire la synthèse ou la rétroaction après l'action.

En résumé, l'autoévaluation sert à porter un jugement sur son travail réalisé. Elle peut se réaliser individuellement, mais elle peut aussi être combinée à une coévaluation afin d'obtenir une rétroaction de ses collègues ou de personnes accompagnatrices. L'autoévaluation peut être réalisée à partir de fiches à compléter à différents moments au cours de l'intervention ou de l'accompagnement. Les questions utilisées dans de telles fiches peuvent être ouvertes ou comporter des cases à cocher («?pas du tout?», «?un peu?», «?moyennement?», «?beaucoup?»). Pour que la réflexion soit la plus complète possible, des justifications peuvent être demandées. L'autoévaluation peut avoir lieu avant l'action?; par exemple, indiquer comment on juge ses habiletés à réaliser une tâche. Une fois la tâche réalisée, revenir sur son autoévaluation permet de comparer ses perceptions initiales et finales (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008a,b).

Autonomie réflexive-interactive

L'autonomie réflexive-interactive est une aptitude à réagir de façon relativement indépendante à l'égard de certaines situations d'accompagnement. Une telle autonomie ne signifie pas de travailler seul et s'observe à partir de certaines manifestations telles que?: savoir quand et comment aller chercher l'interaction?; accepter que les autres puissent rétroagir à ses idées, à ses actions?; pouvoir présenter les justifications de ses idées, de ses actions?; reconnaître les moments où la réflexion individuelle est nécessaire et les moments où les réflexions des autres peuvent contribuer à la sienne?; ceux où la compréhension théorie-pratique est utile, voir essentielle et enfin, ceux où la réflexion collective est nécessaire pour innover.

L'évolution des personnes accompagnées vers une autonomie réflexive-interactive est liée à ce que les personnels connaissent à propos des fondements du changement, mais aussi à leur compréhension qui s'enrichit et s'approfondit au regard de la formation offerte, mais aussi par la richesse des interactions qu'ils ont avec des collègues ou des personnes expertes (pour plus d'explications, voir Lafortune, 2008a,b).

 

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