L'impact des métaux sur les diatomées

Les concentrations en métaux libres dépendent des caractéristiques physico-chimiques de l'eau telles que le pH, la température, les concentrations en carbone organique dissous et les concentrations en cations/anions. Il est donc difficile de comparer des concentrations en métaux dans l'eau entre les années d'échantillonnage ou entre les stations puisqu'une excellente connaissance de l'ensemble des caractéristiques du milieu est nécessaire afin de calculer les concentrations de la forme libre des métaux. Les organismes vivants intègrent les fluctuations temporelles dans les concentrations en métaux biodisponibles ainsi que les effets antagonistes ou synergiques entre ceux-ci.

L'utilisation des algues benthiques pour le biosuivi de la pollution métallique peut s'effectuer selon deux approches complémentaires: le biosuivi de l'exposition aux métaux et le biosuivi du stress causé par les métaux. Un des avantages à utiliser les algues benthiques pour le suivi de l'exposition aux métaux plutôt que des mesures de concentration en métaux dans l'eau est la simplicité de l'échantillonnage et des traitements en laboratoire. En effet, les concentrations étant beaucoup plus élevées dans le périphyton, les risques de contamination lors des manipulations sur le terrain et en laboratoire sont faibles. De plus, étant donné les concentrations élevées dans le biofilm, les valeurs se trouvent rarement sous les limites de détection (ce qui est souvent le cas pour des échantillons d'eau). Même si le périphyton est principalement composé d'algues benthiques, ce type d'analyse fournit de l'information quant aux concentrations de métaux accumulés dans toute la matrice du biofilm, incluant également les bactéries, champignons et invertébrés de petite taille. Cette approche est intéressante puisqu'elle renseigne sur la quantité de métaux bioaccumulés et permet de comparer plus adéquatement les concentrations de façon temporelle ou spatiale.

Bien que les concentrations en métaux accumulés dans le périphyton soient un bon indicateur de l'exposition à la pollution métallique, ce type d'analyse ne renseigne pas sur le stress causé par cette contamination. Les effets nocifs d'une pollution métallique sur le biote ne peuvent s'évaluer qu'en étudiant la réponse des organismes vivants suite à ce stress. Les diatomées sont d'excellents indicateurs de stress causé par une contamination par les métaux. En effet, de nombreux travaux réalisés en laboratoire ont décrit les mécanismes de toxicité des métaux sur les diatomées, mettant en évidence des effets sur la multiplication, la photosynthèse, la respiration, l'assimilation de nutriments et la synthèse de molécules. La réponse à cette toxicité peut s'observer au niveau de la cellule par la présence de déformations, ainsi qu'au niveau de la communauté par une baisse de diversité, la présence d'espèces de petites tailles et l'apparition d'espèces tolérantes à la pollution métallique15,16,17. C'est précisément ces modifications qui sont utilisées afin d'évaluer les effets d'un apport en métaux ou la réponse des diatomées suite à la restauration d'un site contaminé. Lorsqu'une pollution d'origine métallique est suspectée, il est donc préférable d'utiliser ces indicateurs plutôt que l'IDEC, puisque ce dernier fut d'abord développé pour le suivi de l'eutrophisation.

deformations

Des déformations morphologiques du frustule des diatomées sont fréquemment observées dans les milieux fortement contaminés par les métaux. Ces déformations se trouvent au niveau de la forme générale de la diatomée, au niveau des patrons de striation et de l'ornementation, ou les deux. (photos : Soizic Morin et Isabelle Lavoie)