Les sous-indices

Les diatomées sont peu influencées par la taille d'un cours d'eau. En uniformisant le type de substrats échantillonnés (substrats rocheux), on peut ainsi retrouver sensiblement la même communauté sur les cailloux d'un petit ruisseau que sur les roches d'une grande rivière ayant la même qualité de l'eau. Les diatomées sont par contre très sensibles aux variations de pH et de conductivité. Pour une même qualité de l'eau, les communautés de diatomées des rivières ayant un pH neutre ou légèrement acide seront différentes des communautés des rivières alcalines. À titre d'exemple, les communautés des rivières non polluées s'écoulant sur les roches et les dépôts légèrement acides du Bouclier canadien ne seront pas les mêmes que les communautés des rivières non polluées s'écoulant sur les roches sédimentaires et les argiles marines de la plaine du Saint-Laurent. Trois indices ont donc été développés afin de tenir compte du pH et de la conductivité des rivières en milieu naturel, soit l'IDEC-Neutre, l'IDEC-Alcalin et l'IDEC-Minéral2.

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Lors de l'application de l'indice dans un programme de suivi, il faut donc choisir entre les trois indices en fonction du pH et de la conductivité naturels d'un cours d'eau, c'est-à-dire non pas son pH actuel, mais son pH en condition non polluée (le pH qu'un cours d'eau aurait en absence de toutes altérations). La distinction entre les indices est fondamentale, puisqu'elle assure que toute rivière a le potentiel d'atteindre des valeurs élevées, advenant la restauration de son écosystème.

Le Tableau ci-dessous résume les règles de sélection. La procédure pour choisir le bon indice est la suivante :

  1. Tracer les limites du bassin versant en amont de la station d'échantillonnage. Cette opération est effectuée à l'aide d'un système d'information géographique. Il existe aujourd'hui des fichiers numériques contenant les limites des principaux bassins, à partir desquels il est possible de tracer le bassin spécifique d'une station d'échantillonnage. Lorsque le bassin versant d'un cours d'eau est entièrement situé dans une seule et même formation géologique, il n'est pas nécessaire de tracer les limites de son bassin.
  2. Identifier les formations géologiques dominantes et les dépôts de surface situés dans le bassin versant en amont de la station d'échantillonnage. Alternativement, en Ontario et au Québec, les cartes présentées ci-dessous peuvent être utilisées.
  3. Identifier, à partir du Tableau 1, à quel indice est associée la formation géologique dominante dans le bassin versant.
  4. En général, le même indice est conservé sur l'ensemble du parcours d'un cours d'eau principal, même si la géologie diffère en aval. C'est notamment le cas des grandes rivières de la rive nord du Saint-Laurent. Par exemple, l'IDEC-Neutre est utilisé dans la portion aval de la rivière Batiscan, même si celle-ci est située dans les basses-terres. Ce choix est justifié par le fait que le pH naturel de ces rivières est principalement conditionné par leur bassin versant qui est majoritairement situé sur le Bouclier canadien. Les petits cours d'eau, dont les conditions du milieu varient drastiquement d'amont en aval, peuvent parfois dévier de cette règle. Si la géologie dominante change en aval, et que celle-ci représente plus de 50% de la superficie du bassin de la station d'échantillonnage, il est possible qu'un indice différent soit utilisé en aval. Dans l'est du Canada, certains bassins versants sont ainsi partagés entre deux écorégions. Par exemple, l'IDEC-Neutre peut être utilisé en amont, dans le Bouclier canadien, et l'IDEC-Alcalin utilisé dans les basses terres en aval. Le seuil qui marque le passage d'un indice à l'autre correspond au point où la géologie des basses-terres devient dominante (>50%) dans le sous-bassin de la station d'échantillonnage par rapport à la géologie en amont.
  5. Cette analyse doit être réalisée à une échelle assez fine dans le cas des tributaires. Il est ainsi possible qu'un indice différent soit utilisé dans un tributaire par rapport au cours d'eau principal, puisque la géologie dominante dans les sous-bassins des stations d'échantillonnage peut différer.

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L'attribution du sous-indice se fait généralement sans difficulté. L'IDEC-Neutre est utilisé dans les cours d'eau s'écoulant majoritairement sur le Bouclier canadien, où le socle est composé de roches felsiques métamorphisées ou non (granite, rhyolite, orthogneiss, tonalite, etc.) et recouvert de dépôts glaciaires ou organiques. En milieu naturel, le pH de ces cours d'eau varie de 6.7 à 7.4 et la conductivité de 27 à 58 µS/cm. L'IDEC-Neutre est également utilisé dans les cours d'eau des basses-terres et des Appalaches s'écoulant en partie dans des milieux humides.

L'IDEC-Alcalin est utilisé dans les cours d'eau s'écoulant majoritairement sur des roches sédimentaires (shale, siltstone, grès, conglomérat) recouvertes de dépôts glaciaires ou marins. On retrouve dans ce groupe les rivières dont la majeure partie du bassin versant est située dans les basses-terres du Saint-Laurent et dont le bassin contient peu de milieux humides. La majorité des rivières des Appalaches font également partie de ce groupe. L'IDEC-Alcalin doit également être utilisé dans les cours d'eau du Bouclier canadien s'écoulant sur des roches intermédiaires ou mafiques (gabbro, basalte, anorthosite, syénite, diorite) ou du marbre. En milieu naturel, le pH de ces cours d'eau varie de 7.6 à 8.0 et la conductivité de 62 à 150 µS/cm.

L'IDEC-Minéral doit être utilisé dans les bassins versants où les cours d'eau sont en contact direct avec les roches carbonatées (calcaire et dolomie). Ces cours d'eau se trouvent principalement dans le sud de l'Ontario. En milieu naturel, le pH de ces cours d'eau varie de 8.0 à 8.5 et la conductivité de 379 à 533 µS/cm.

Au-delà de ces règles de base, trois situations plus complexes peuvent être rencontrées :

  • Dans le cas des bassins versants partagés à parts égales entre deux formations géologiques, il n'est pas toujours aisé de situer le point de transition entre deux indices. La règle du 50% mentionné ci-dessus demeure relativement arbitraire et il est possible qu'elle ne s'applique pas localement. S'il s'agit d'un cours d'eau peu pollué et que des mesures fiables de pH et de conductivité sont disponibles, il est préférable de se fier à celles-ci.
  • Les dépôts de surface atteignent parfois des épaisseurs considérables. Par exemple, dans les basses-terres du Saint-Laurent, ces dépôts peuvent atteindre une épaisseur de plus de 100 m. Dans ce cas, il est possible que les cours d'eau soient peu influencés par le roc et uniquement par les dépôts. Par exemple, la limite supérieure des argiles marines de la mer de Champlain peut atteindre plus de 200 m d'altitude. Ces argiles marines recouvrent par endroit la marge sud du Bouclier canadien. Si on ne se fit qu'a la géologie du roc, l'IDEC-Neutre devrait être utilisé. Toutefois, les argiles marines modifient la physico-chimie des cours d'eau de telle sorte qu'il est préférable d'utiliser l'IDEC-Alcalin. À titre d'exemple, on rencontre cette situation dans la vallée de la rivière Shawinigan, de la rivière des Envies (près de Saint-Tite) et au lac Saint-Jean. D'autre part, les argiles marines empêchent certains cours d'eau d'être en contact permanent avec les calcaires des basses-terres du Saint-Laurent, ce qui fait en sorte que l'IDEC-Alcalin est utilisé dans ces cours d'eau, au lieu de l'IDEC-Minéral.
  • Les milieux humides peuvent modifier localement la physico-chimie des cours d'eau, particulièrement dans le cas des petits bassins. Cette situation présente deux problèmes. Le premier consiste à déterminer jusqu'où ces milieux humides, qui peuvent parfois abaisser le pH des cours d'eau, ont une influence en aval. Deuxièmement, ces milieux humides ne sont souvent pas des références pour le reste du bassin versant. Les conditions physico-chimiques à la sortie des milieux humides ne sont pas nécessairement représentatives des conditions de référence qui prévalaient dans les cours d'eau d'un bassin versant, puisque la végétation, le type de sols et le drainage diffèrent passablement entre les milieux humides et le reste du bassin versant.

Dans le cas des programmes de suivi impliquant l'échantillonnage de plusieurs stations dans un bassin versant, il est toujours judicieux d'inclure des stations de référence représentatives des conditions rencontrées. Le fait d'inclure de nouvelles stations de référence dans un  programme de suivi peut faciliter le choix des indices. Il est également toujours plus intéressant pour les utilisateurs de comparer les stations dégradées de leur bassin versant avec des stations de référence à proximité. Il est toutefois parfois difficile de trouver des stations de référence dans les zones très développées et cet exercice n'est pas obligatoire étant donné que l'IDEC inclut de façon intrinsèque un grand nombre de stations de référence.