Conclusions et recommandations

Les principales conclusions et recommandations de l'étude sont les suivantes :

  1. Le bilan hydrique régional démontre que la recharge est d'environ 743 Mm³/an alors que les prélèvements totaux d'eau souterraine sont de l'ordre de 20 Mm³ /an, ce qui représente  environ 3% de la recharge. Globalement, les ressources en eau souterraine de la Mauricie ne semblent donc pas surexploitées. Il subsisterait même dans certains secteurs un potentiel d'exploitation intéressant. Toutefois, localement, certaines nappes peuvent être à la limite de leur capacité.
  2. Le suivi piézométrique à long terme démontre que les niveaux d'eau semblent stables. Les suivis historiques suggèrent toutefois qu'il existe des cycles de sept à huit ans au cours desquels les niveaux d'eaux peuvent descendre de 2 m. Les années où les précipitations sont moins abondantes, le niveau d'eau dans certains puits peut être critique et limiter l'exploitation de la nappe. Recommandation 1 : Il sera important de poursuivre le suivi des piézomètres actuels et d'étendre le réseau pour couvrir les principaux aquifères de la région. Une analyse plus détaillée des relations entre le régime des précipitations et la piézométrie des nappes sera nécessaire pour évaluer l'impact des changements climatiques en cours sur l'exploitation des aquifères régionaux.                                                                                         
  3. Bien que la ressource soit abondante, elle est mal répartie sur le territoire. Certaines municipalités ont peu ou pas d'aquifères exploitables (Louiseville, Maskinongé, Saint-Sévère), alors que d'autres municipalités possèdent des ressources en eau importantes. Les municipalités de la MRC de Maskinongé ont contourné ce problème en créant la Régie d'aqueduc de Grand-Pré qui puise l'eau là où elle se trouve et la redistribue régionalement. Cette initiative, qui doit être soutenue, est une particularité de la Mauricie et est un exemple de concertation régionale en matière de gestion des eaux souterraines.
  4. Les aquifères composés de dépôts meubles localisés dans le paléodelta de la rivière Saint-Maurice et dans les vallées du piedmont sont les plus productifs et les plus exploités. Ces aquifères alimentent en eau potable plus de la moitié de la population de la Mauricie.
  5. Certains aquifères, peu exploités, semblent présenter un potentiel intéressant. C'est le cas notamment des dépôts comblant la dépression de la faille de Saint-Cuthbert. Les données actuelles sont toutefois insuffisantes et il sera nécessaire de procéder à davantage de travaux de caractérisation afin d'évaluer le potentiel réel de ces aquifères.
  6. Le chauffage et la climatisation par géothermie sont une pratique relativement récente au Québec. En Mauricie, des institutions telles que l'hôpital Cooke et le Technoparc, à Trois-Rivières, et l'hôtel Sacacomie, à Saint-Alexis-des-Monts, sont actuellement chauffées et climatisées par géothermie. Compte tenu de la température relativement élevée des eaux souterraines (environ 10 degrés Celsius à Trois-Rivières), du fort potentiel aquifère de la région et du caractère inépuisable de cette ressource énergétique, il est probable que la géothermie connaisse un essor important dans le futur.        
  7. Près de 40% des puits domestiques de la Mauricie ne respecte pas les normes en ce qui concerne la contamination bactériologique. En ce qui concerne plus spécifiquement les coliformes fécaux, 12% des puits n'étaient pas conformes. Cette contamination est toutefois probablement associée à une mauvaise installation et un mauvais entretien des puits. À cet effet, un manque de sensibilisation des utilisateurs a été observé au cours de l'étude. Lors de l'échantillonnage, près de 50% des propriétaires confirmaient qu'ils n'étaient pas au fait des procédures à suivre pour nettoyer ou pour décontaminer leur puits. Recommandation 2 : Il serait souhaitable de sensibiliser davantage les propriétaires quant à l'aménagement de leur puits et la réalisation d'analyses régulières de qualité d'eau.
  8. Les concentrations excessives en manganèse et en fer pourraient potentiellement être reliées à la présence de milieux humides dans l'aire d'alimentation des puits. Recommandation 3 : Il est recommandé d'analyser plus en détail la relation entre les milieux humides et les concentrations en manganèse et en fer afin de mieux comprendre la dynamique de ces métaux dans les aquifères et de mieux planifier l'aménagement des puits municipaux.
  9. L'épandage de sels déglaçants sur le réseau routier semblent provoquer une augmentation des concentrations en chlorures dans l'eau des puits. Recommandation 4 : Il est recommandé de diminuer les quantités de sels épandus dans l'aire d'alimentation des puits ou de trouver des solutions alternatives aux méthodes et aux produits d'épandage utilisés actuellement.
  10. L'analyse de la distribution spatiale des puits suggère que les portions du territoire possédant une vocation agricole, particulièrement dans les aquifères granulaires à nappe libre, présentent des risques accrus de contenir des concentrations élevées en nitrates. Recommandation 5 : Il est recommandé de porter une attention particulière aux types de culture et à la fertilisation appliquée sur les sols sablonneux afin de limiter le lessivage des nitrates vers la nappe phréatique, particulièrement dans l'aire d'alimentation des puits résidentiels et municipaux. La présence de grandes cultures sur le delta de la rivière Saint-Maurice semble notamment présenter un risque élevé en ce qui concerne les concentrations en nitrates.
  11. L'empiètement graduel de l'urbanisation sur les aquifères, comme le pavage des rues et la construction de bâtiments, réduit la surface d'infiltration nécessaire au renouvellement des ressources en eau souterraine et augmente le risque de contamination. Dans les régions urbanisées telles qu'à Trois-Rivières, où la nappe libre est très vulnérable et où le réseau d'aqueduc dépend en grande partie des ressources en eaux souterraines, la protection des eaux souterraines doit être réalisée de manière concertée. Le développement du territoire doit tenir compte des aires de protection des ouvrages de captage d'eau souterraine. Un exemple de gestion adéquate du territoire dans les aires d'alimentation des puits est la création d'un espace destiné aux activités telles que la course à pied, la marche, le vélo et le ski de randonnée dans le secteur de Cap-de-la-Madeleine, entre l'autoroute 40 et le champ de captage du secteur. Recommandation 6 : L'impact du développement urbain sur la recharge et la qualité des eaux souterraines à Trois-Rivières devrait être évalué.
  12. L'une des plus grandes sources de conflits d'usage avec les eaux souterraines est reliée à l'exploitation des granulats dans la région du piedmont. En effet, la moraine de Saint-Narcisse présente des épaisseurs considérables de sable et de gravier avec un niveau de nappe très profond. Toutefois, à ce jour, aucune problématique de contamination des nappes d'eaux souterraines reliée à l'exploitation d'une sablière n'a été documentée. En effet, les aquifères exploités dans le piedmont sont presque tous en condition de nappe captive ou semi-captive, ce qui leur confère un certain degré de protection. Néanmoins, la gestion de ces activités doit être effectuée de façon à éviter tout déversement en conservant les équipements en dehors des aires d'excavation, en évitant l'entreposage d'hydrocarbures et autres matières dangereuses et en gardant une distance minimale entre le fond des excavations et le niveau de la nappe d'eau souterraine.
  13. L'information présentée dans ce document et dans la base de données qui l'accompagne pourra être utilisée par les aménagistes et les urbanistes, les organismes de bassins versants, les responsables de la gestion des eaux souterraines de la ville de Trois-Rivières et de la Régie d'aqueduc de Grand-Pré, ainsi que par les experts-conseils et les entrepreneurs en puits et forage dans le cadre de projets de captage d'eau ou de géothermie.
  14. Il est capital de connaître l'emplacement des grands préleveurs sur un territoire si l'on désire être en mesure de protéger les sources d'alimentation en eau des communautés et des commerces et industries et d'éviter les conflits d'usage. Recommandation 7 : Il est recommandé de rendre public la localisation géographique de tous les grands préleveurs.
  15. Le mode de fonctionnement actuel du système d'information hydrogéologique (SIH) du MDDEFP est intéressant, mais ce dernier pourrait être amélioré en intégrant notamment des données de qualité de l'eau. Rappelons que le « Règlement sur le captage des eaux souterraines » oblige la réalisation d'une analyse d'eau dans les trente jours suivant le forage d'un nouveau puits. Cet article du règlement n'est malheureusement pas suffisamment appliqué et les données ne sont pas colligées et conservées dans une base de données. De plus, le SIH actuel ne renferme presqu'exclusivement que des données de forages résidentiels décrits par des entrepreneurs puisatiers. Il faudrait étendre les sources d'information, de manière à ce que tout forage, qu'il soit réalisé dans un cadre municipal, industriel ou commercial, pour de la recherche en eau ou pour de la géothermie, soit inclus dans la base de données. Les forages effectués à des fins de caractérisation environnementale, de caractérisation géotechnique, ou d'exploration minière, gazière ou pétrolière devraient également y être intégrés.