Département d'anatomie
Anecdotes anatomiques

Sans tambour ni trompette

Regis   Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie 

 

Musique en tête — tambours et trompettes —, les soldats des siècles passés se lancent à l’assaut de l’ennemi! Mais la débandade, en cas de défaite, se doit par contre d’être silencieuse, discrète; d’où le repli « sans tambour ni trompette », expression apparue, semble-t-il, au XVIIe siècle. Expression que bien sûr les anatomistes n’utilisent pas car, en anatomie humaine, tambour il y a (le tympan, du grec tympanon, tambour), ainsi que deux trompettes, ou petites trompes (celles d’Eustache et de Fallope) 1. Et puisque nous parlons d’instruments de musique dans la terminologie anatomique, c’est l’occasion d’ajouter le psaltérion et la lyre — de David ajoutèrent certains 2 —, tous deux synonymes de commissure hippocampique.

La commissure hippocampique, ou commissure du fornix, est une mince couche de fibres nerveuses transversales qui interconnectent les piliers du fornix sous le splénium du corps calleux. Les fibres nerveuses évoquent les cordes d’un instrument tendues entre les piliers du fornix qui en constitueraient la caisse de résonnance. Cette commissure ressemble-t-elle effectivement à un psaltérion ou à une lyre?

  

217 David

Le roi David jouant de la lyre (Abbaye de Westminster, ca. 1200).

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Le psaltérion et la lyre

Le psaltérion, probablement introduit en Occident après les Croisades, possède des cordes de boyaux ou de métal et une caisse de résonnance aplatie de forme trapézoïdale, triangulaire ou carrée 3.

Quant à la lyre, elle est constituée d’une caisse de résonnance (jadis une carapace de tortue) d’où naissent deux bras (ou cornes) reliés par un joug transversal; ses cordes, en nombres variables 4, sont parallèles aux bras de l’instrument 5. Cette métaphore fut à tort attribuée à Félix Vicq d’Azyr par Philibert-Constant Sappey qui écrivait en 1872 que le nom de lyre était celui « par lequel Vicq d’Azyr a cherché à caractériser cette disposition » 6. À tort effectivement car, plus d’un siècle auparavant, Jacques-Bénigne Winslow précisait déjà que « les Anciens lui ont donné le nom de Psalloïdes & de Lyre » 7.

 

Lyre de David?

Un dénommé David est-il entré dans l’Histoire pour avoir, entre autres occupations, joué de la lyre? Oui, et c’est dans l’Ancien Testament que nous allons le trouver. David, plus jeune fils de Jessé et second souverain d’Israël, jouait effectivement d’un instrument à cordes pour soulager le roi Saül (Premier Livre de Samuel 16 : 23); mais la nature précise de cet instrument n’a jamais fait l’unanimité, certains parlent de « cithare » 8, d’autres de « harpe » 9.

 

Alors psaltérion ou lyre?

L’unique caractéristique commune à la commissure hippocampique et à ces deux instruments de musique réside dans la métaphore des cordes. Encore faut-il constater que leur orientation par rapport à la caisse de résonnance (les piliers du fornix) varie selon qu’il s’agit d’un psaltérion ou d’une lyre, et que la nature même de l’instrument (celui du roi David) n’est pas univoque.

 

Métaphore à laquelle il nous semble donc assez difficile d’adhérer.

 

 

Notes

1 Bossy J. (1999) La grande aventure du terne médical. Filiation et valeurs actuelles. Montpellier, Sauramps Médical, p. 172.

2 Par exemple Barone R. (1977) Atlas d’anatomie humaine de Sobotta. Paris, Maloine S.A., tome 4 (Nomenclature Anatomique Française), p. 211.

3 Baines A.C. (1967) « Psaltery ». In : Encyclopedia Britannica. Chicago, William Benton, vol. 18, p. 706.

4 Alors qu’il n’y en avait initialement que 3, leur nombre fut porté à 8 par le poète lyrique Simonides de Ceos (ca. 556-467 BC), puis à 12 par le musicien Thimothée de Milet (447-357 BC).

5 Winnington-Ingram R.P. (1967) « Lyre ». In : Encyclopedia Britannica. Chicago, William Benton, vol. 14, p. 483.

6 Sappey P.C. (1872) Traité d’anatomie descriptive. Paris, Adrien Delahaye, 2e édition, vol. 3, pp. 79-80.

7 Winslow J.-B. (1752) Exposition anatomique de la structure du corps humain. Amsterdam, Emanuel Tourneisen, nouvelle édition, vol. 4, p. 156.

8 Gimarey Abbé (1884) Nouveau commentaire sur tous les livres des divines écritures. Paris, Louis Vivès, huitième édition, vol. 2, p. 232.

9 Dhorme É. (1956) La Bible. Ancien Testament. I. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 868.


Suggestion de lecture

Olry R., Haines D.E. (2009) A Concert Hall for Stringed Musical Instruments Under the Splenium of the Corpus Callosum. Journal of the History of the Neurosciences 18 : 214-216.

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