Département d'anatomie
Anecdotes anatomiques

Le Parc jurassique de la neuro-anatomie

 

Regis   Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie 

 

Dans l’espoir de consoler son ami François du Périer qui venait de perdre sa fille Marguerite âgée de 5 ans, François de Malherbe (1555-1628) rédigea vers 1598 1 un poème de 21 quatrains dans lequel on peut lire ces célèbres vers : « Et Rose, elle a vécu ce que vivent les roses. L’espace d’un matin. » 2

Marguerite fauchée en pleine enfance, comme bien des concepts éphémères en neurosciences — à peine énoncés, déjà mis en doute, bientôt aux oubliettes car souvent plus complexes que prévus. Et pourtant, la neuro-anatomie a elle aussi son Parc jurassique dans lequel continuent de se promener librement quelques respectables dinosaures de la terminologie: les cellules de Schwann (1839), les incisures de Schmidt-Lanterman (1874), les nœuds de Ranvier (1878) et les corps de Nissl (1894), effectivement, se retrouvent encore et toujours dans la plus récente édition du Gray’s Anatomy 3. Qui furent donc ces hommes dont les noms sont parvenus à résister jusqu’à ce jour aux assauts du temps et au vandalisme de la déculturation?

 

Theodor Ambrose Hubert Schwann et ses cellules

Theodor Schwann est né sur la rive gauche du Rhin, à Neuss, près de Dusseldorf, le 7 décembre 1810. Il étudia la médecine à Bonn, Würzburg, puis Berlin où il obtînt son doctorat en 1834. Professeur d’anatomie à l’Université Catholique de Louvain (1838) puis à l’Université de Liège (1848), il se retira à Cologne en 1878 et y décéda le 11 janvier 1882.

C’est en 1839 qu’il décrivit les cellules de Schwann 4, cellules gliales entourant des axones du système nerveux périphérique.

 

Henry D. Schmidt et Ai John Lantermann et leurs incisures

Henry D. Schmidt est né en 1823 dans la petite ville allemande de Marburg. En 1848, il s’installa à Philadelphie où ses modèles anatomiques en papier mâché s’acquirent une certaine réputation. Étudiant alors à l’Université de Pennsylvanie, il reçut son doctorat en médecine en 1858, travailla quelques temps à Mobile (Alabama), puis rejoignit la Nouvelle-Orléans pour y occuper, jusqu’à sa mort survenue le 23 novembre 1888, le poste de pathologiste au Charity Hospital.

Ai John Lantermann, né le 15 février 1844, fut médecin à Youngstown (Ohio) puis au Colorado où il fit de judicieux placements dans des mines d’or et d’argent. C’est probablement lors d’un stage de recherche à l’Institut anatomique de Strasbourg, au début des années 1870, qu’il découvrit ces incisures. Il décéda le 2 décembre 1898 à Salida (Colorado).

C’est en 1874 que ces deux auteurs décrivirent les incisures de Schmidt-Lanterman 5, 6, incisures transversales, visualisables en microscopie électronique, situées sur la myéline dite non compacte des axones du système nerveux périphérique.

 

Louis-Antoine Ranvier et ses nœuds

Louis-Antoine Ranvier est né à Lyon le 2 octobre 1835. Médecin et histologiste de la Faculté de médecine de Paris, il fut l’assistant du célèbre Claude Bernard (1813-1878) et se vit attribuer la chaire d’anatomie générale au Collège de France en 1875. Il mourut le 22 mars 1922 à Vendranges, petite ville de l’arrondissement de Roanne.

C’est en 1878 qu’il décrivit les nœuds de Ranvier (qu’il nommait « étranglements annulaires » 7), zones d’étranglement situées entre deux cellules de Schwann, et au niveau desquels les axones ne sont pas recouverts de myéline.

 

Franz Nissl et ses corps

Franz Nissl est né à Frankenthal, près de Mannheim, le 9 septembre 1860. Contre la volonté de son père qui voulait en faire un théologien, il étudia la médecine à Munich (doctorat en 1885), puis se spécialisa en psychiatrie, entre autres sous la direction de Bernhard von Gudden, médecin du roi Louis II de Bavière 8. Il travailla ensuite avec Aloïs Alzheimer à Francfort (1889) puis avec Emil Kreapelin à Heidelberg (1895). Il décéda à Munich le 11 août 1919.

C’est en 1894 qu’il décrivit les corps de Nissl (qu’il nommait « granula » 9), agrégats de réticulum endoplasmique granuleux observés dans le cytoplasme neuronal.

  

208 Nissl

Frank Nissl (1860-1919).

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Notes

1 Lebègue R. (1942) L’origine de la « Consolation à du Périer ». Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres 4-6 : 225-231.

2 Quatrième quatrain, deux derniers vers : Malherbe F de (1842) Poésies. Paris, Charpentier, p. 39.

3 Standring S. (Ed.) (2008) Gray’s Anatomy. The Anatomical Basis of Clinical Practice. N.p., Churchill Livingstone Elsevier, 40th edition, pp. 41, 50.

4 Schwann T. (1839) Mikroskopische Untersuchungen über die Übereinstimmung in der Struktur und dem Wachsthum der Thiere und Pflanzen. Berlin, Verlag der Sander’schen Buchhandlung (G. E. Reimer).

5 Schmidt H.D. (1874) On the construction of the dark or doubled-bordered nerve fibre. Monthly Microscopical Journal (London) 11 : 200-221.

6 Lantermann A.J. (1874) Bemerkungen ueber den feineren Bau der markhaltigen Nervenfäsern. Zentralblatt für die Medizinische Wissenschaft 12 : 706-709.

7 Ranvier L.A. (1878) Leçons sur l’histologie du système nerveux. Paris, F. Savy, p. 45.

Gray Ranvier 50 Nissl 41 Schmidt-Lanterman 50 Schwann 50

8 Voir notre Anecdote no. 56 : La montre de Louis II de Bavière s’était arrêtée à six heures cinquante-quatre.

9 Nissl F. (1894) Über die sogenannten Granula der Nervenzellen. Neurologisches Centralblatt (Leipzig) 13 : 676-685, 781-789, 810-814.

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