Département d'anatomie
Anecdotes anatomiques

Bouquet de violettes et odeur de pommes 

Regis   Régis Olry, professeur titulaire, Département d’anatomie 

Dans son immortel Paul et Virginie, Bernardin de Saint-Pierre avait écrit : « Ainsi des violettes […] exhalent au loin leurs doux parfums, quoiqu’on ne les voie pas » 1. Pour Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, davantage connue sous le nom de Princesse de Lamballe, le plus important était effectivement de ne surtout pas les voir, car cette confidente de Marie-Antoinette souffrait d’un mal étrange qui donna bien du fil à retordre à son médecin le docteur Seiffert : « Elle ne pouvait ainsi souffrir la vue d’un bouquet de violettes, même peintes sur une toile, sans tomber comme morte » 2. Évanouissement garanti dès la présence, réelle ou picturale, d’un tel bouquet 3. Probable manifestation de nature hystérique, de simples petites violettes la faisaient donc invariablement tomber dans les pommes. Et parlant de pommes, leur odeur sut également provoquer bien des émois. Ainsi Jean Quercet, secrétaire de François 1er, « qui ne pouvait supporter l’odeur des pommes […] se vit même obligé une fois de quitter la table sur laquelle on en avait servi. Lorsqu’il chercha à vaincre cette aversion, il eut une forte épistaxis ». 4 Un anatomiste, assez peu connu, eut lui aussi des problèmes de santé à cause d’une odeur de pommes.

 

Hyacinthe Gavard

Hyacinthe Gavard 5 est né en 1753 (1758 ou 1763 selon certaines sources) à Montmélian, petite ville de Savoie située à environ 10 kilomètres au sud-est de Chambéry. Il suivit ses études de médecine à Paris, sous la direction du déjà très célèbre Pierre-Joseph Desault (1744-1796), et se montra « bientôt distingué par l’ardeur qu’il apportait dans l’étude de l’anatomie » 6. Hyacinthe Gavard fut nommé professeur d’anatomie, puis médecin de l’École militaire de Mars où il élabora une méthode de lecture et d’écriture destinée aux petits ramoneurs! Il décéda à Paris en 1802 (ou en 1799) 7, 8, 9.

 

186 Odeur

Traité de splanchnologie de Gavard, 1802 (Exemplaire en vente à la libraire Treptower Bücherkabinett, Berlin)

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Hyacinthe Gavard rédigea plusieurs traités d’anatomie : ostéologie (1791, seconde édition en 1795), syndesmologie (1795), myologie (1797-1798), et splanchnologie (1801, seconde édition en 1802). C’est ce traité de splanchnologie qui nous ramène aux odeurs de pommes. L’auteur y révèle en effet la curieuse anecdote suivante : « je me rappelle qu’à l’âge de dix ans je tombai en convulsion, et que j’eus l’indigestion la plus cruelle, pour avoir mangé, par complaisance, la moitié d’une pomme, fruit dont j’ai toujours détesté l’odeur » 10.

 

Dans son Émile ou de l’éducation de 1762, le philosophe Jean-Jacques Rousseau (1715-1778) avait écrit que « le sens de l’odorat est au goût ce que celui de la vue est au toucher; il le prévient, il l’avertit de la manière dont telle ou telle substance doit l’affecter et dispose à la rechercher ou à la fuir, selon l’impression qu’on en reçoit d’avance » 11. On peut certes questionner, en matière d’éducation, la crédibilité de celui qui abandonna ses cinq enfants, mais Hyacinthe Gavard aurait du tout de même suivre le précieux conseil de celui qui reposait alors à l’ombre des peupliers d’Ermenonville.

 

 

Notes

1 Bernardin de Saint-Pierre J.H. (1788/1993) Paul et Virginie. Paris, Bookking International, p. 106.

2 Vircondelet A. (1995) La Princesse de Lamballe. Paris, Flammarion, p. 45.

3 La même réaction se produisait également face à toute peinture représentant un homard (Decker M. de [1979] La Princesse de Lamballe. Paris, Librairie Académique Perrin, p. 73). En langage des fleurs, le bouquet de violettes est connu pour symboliser un amour secret (Bertrand B., Casbas N. [2001] Une pensée pour la violette. Escalquens, éditions de Terran.); prétexte pour certains à voir dans les évanouissements de la Princesse un aveu muet de ses relations saphiques avec la reine.

4 Matuszynski J. (1837) De l’influence du nerf sympathique sur les fonctions des sens. Paris, thèse médecine, Imprimerie et Fonderie de Rignoux et Cie, p. 37.

5 À ne pas confondre avec le médecin Joseph-Marie Gavard (1743-1823) qui participa en 1792 à la réunion de la Savoie à la France (Voir Nicolas J. [1989] La Révolution française dans les Alpes, Dauphiné et Savoie. Toulouse, Privat, pp. 149-179). Il ne nous semble pas exister de liens de parenté entre Hyacinthe et Joseph-Marie.

6 Philippe J. (1863) Les gloires de la Savoie. Paris, J.-B. Glarey, p. 153.

7 Ionescu M. (1991) Dicţionar de Anatomişti. Bucuresti, Editura Litera, p. 148.

8 Hirsch A. (1885) Biographisches Lexicon der hervorragenden Aerzte aller Zeiten und Völker. Wien und Leipzig, Urban & Schwarzenberg, vol. 2, p. 509.

9 Desaix J. (1854) La Savoie historique, pittoresque, statistique et biographique. Chambéry, Joseph Perrin, vol. 1, cinquième liste des associés fondateurs (non paginée).

10 Gavard H. (1802) Traité de splanchnologie, suivant la méthode de Desault. Paris, Méquignon l’aîné, seconde édition revue et corrigée, p. 183.

11 Rousseau J.-J. (1808) Emile ou de l’Éducation. Paris, Firmin Didot, vol. 1, p. 261.

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