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Trousse virtuelle à l'intention du personnel éducateur œuvrant auprès des enfants 0-5 ans

Entre résistance et peurs

Nancy et Abequa, les éducatrices d’Uapen, qu’ainsi qu’Odette, la directrice du CPE, ont précédemment rencontré les parents du petit afin d’échanger avec eux. Elles ont partagé avec le couple les observations qui les préoccupent. Les éducatrices peinent souvent à consoler Uapen, qui les repousse en se cambrant vers l’arrière. Parfois, le petit vient les voir, puis fige et s’éloigne. Uapen pleure souvent et longtemps. Lorsqu’un de ses parents vient le chercher, il se réfugie au fond du local en rampant. L’enfant présente des retards de développement. Il dort beaucoup lors des siestes, et les éducatrices ont dû mal à le réveiller.

Quelques semaines plus tard, la directrice rencontre Awastia, la mère d’Uapen. Elle a précédemment rempli les outils « J’observe » de la trousse FÉE, et les résultats soutiennent les préoccupations qu’elle compte aborder avec la mère.

Odette ouvre le dialogue : « Comme nous en avons déjà parlé, depuis plusieurs semaines, nous constatons des choses qui nous inquiètent au sujet de votre petit. Nous observons aussi beaucoup d’instabilité autour de lui. Par exemple, il est arrivé à plusieurs reprises, dans les dernières semaines, que ce soit d’autres personnes qui viennent le chercher et le porter au CPE. Nous observons que vous semblez pressée de partir le matin et le soir. J’ai l’impression de percevoir un sentiment d’embarras, de peur. Nous avons donc un sujet délicat à aborder avec vous, soit celui de la violence. Et nous savons que ce sujet est souvent gardé secret dans la famille. »

Suggestion : Entrevue pour permettre aux milieux de garde d'en apprendre davantage sur la violence conjugale chez les parents autochtones.

La mère est agitée et fait des mouvements brusques : « La violence? Vous parlez de la DPJ qui veut nous enlever nos enfants, c’est ça? Vous voulez qu’on perdre notre fils, c’est ça? »

Odette poursuit : « Je comprends très bien que le fait de parler de violence vient avec la crainte de perdre votre enfant. On sait dans quoi s’inscrit ce genre de traumatismes, des pensionnats à aujourd’hui (comprendre et identifier les résistances du parent). La peur et la colère sont normales (normaliser le vécu émotif du parent). Nous souhaitons plutôt faire équipe avec vous pour aider Uapen. »

Awastia : « Je suis avec Jonathan et c’est de même. Je suis enceinte, et il a toujours été là pour moi. »

Odette : « J’imagine bien à quel point il est important dans votre vie (normaliser le vécu émotif du parent). Si on regarde les services qui vous offrent de l’aide, qu’en est-il du soutien offert par l’intervenante qui vient chez vous dans le cadre du programme SIPPE? Est-ce que votre conjoint y participe aussi? »

Awastia : « Non, il pense que ça donne rien, et moi aussi. On voit qu’elle a jamais rien vécu, cette fille-là, qui vient chez nous et qui nous dit comment faire. Elle ne sait pas par quoi on a passé. Jonathan voudrait que j’arrête de travailler, comme ça, je pourrais m’occuper d’Uapen et du bébé qui s’en vient. C’est d’ailleurs elle qui nous a pas mal obligés à inscrire Uapen pour qu’il ait une place ici, au CPE. »

Odette : « Vous n’êtes pas les seuls à vivre ce genre de difficultés. Nous connaissons un organisme qui vient en aide aux personnes autochtones qui vivent, comme vous, hors de leur communauté. Il s’agit du centre Mamik, ici, au Lac-Saint-Jean. Est-ce que vous aimeriez avoir leurs coordonnées? Cette ressource travaille en collaboration avec tous les partenaires, dont le CPE et le programme SIPPE (démontrer du soutien envers le parent). Nous pourrions travailler tous ensemble pour vous aider, Uapen et vous. »

Awastia : « Oui, ça pourrait nous aider, surtout avec le bébé à venir, en plus. Ils vont peut-être plus comprendre par quoi on est passés. »

Odette : « Comment souhaitez-vous procéder? Je peux vous laisser les coordonnées ou les contacter avec vous si vous voulez, c’est à vous de décider » (laisser au parent le pouvoir d’agir)  

Awastia : « Appelons tout de suite, comme ça, je serai moins gênée. »