par May Plouzeau
La mise en ligne de l'ensemble qui suit est due à l'aimable initiative du Professeur André Bougaïeff, que je ne saurais assez remercier. Cet ensemble est fondé sur dix laisses de La Geste d'Aalis el Païs de Merveilles (dorénavant Aalis), 'translation' par May Plouzeau d'Alice's Adventures in Wonderland de Lewis Carroll, cf. Aalis.
André Bougaïeff a choisi les laisses pour faire ressortir l'esprit général et le traitement de jeux de mots carrolliens, celui du langage non académique pratiqué par certains personnages d'Alice. Le reste (traduction, lecture, une grande partie des notes) est de mon fait.
La traduction (cliquer sur le numéro des laisses) ne vise ni à l'élégance ni au mot-à-mot. Les notes fournissent quelques éclaircissements ; j'y utilise les sigles du Dictionnaire étymologique de l'ancien français (DEAF).
Comment lire ce texte ? On ne doit pas oublier que toute prononciation restituée est le produit de choix qui peuvent être discutés.
Le manuscrit est censément de 1277, mais la langue du copiste est bien difficile à localiser. Quant à l'auteure, l'Introduction démontre qu'elle a dû composer le texte d'Aalis un peu avant 1250, dans une langue qu'elle a voulu de l'Ouest, mais sans constance absolue, et en pratiquant quelques archaïsmes. Imaginons donc que c'est l'auteure qui lit son propre texte, dans notre manuscrit, quelques lustres après l'avoir composé. Quand elle n'est pas tenue par les impératifs de l'assonance, on peut supposer que sa langue n'est pas archaïsante ni nécessairement occidentale : ainsi, à l'intérieur du vers, mieuz est prononcé [mjøts], trois [trwεs]; toutefois, l'auteure conserve sa prononciation de l'Ouest concernant entre autres le o de pro [pru]. Et quand elle fait picardiser ses personnages, cela se manifeste tant dans les graphies que dans la prononciation.
Ma production orale est le produit d'un compromis hésitant entre une lecture qui animerait le contenu du récit et une sorte de déclamation qu'appelle la versification monotone de l'ancienne chanson de geste, avec sa scansion en 4/6. En fait, c'est la musique qui ferait au mieux ressortir cette scansion : écoutez l'interprétation d'extraits de la Chanson de Guillaume par l'ensemble Diabolus in Musica, regroupé autour d'Antoine Guerber.
La prise de son a été effectuée le 4 avril 2018 à Marseille par monsieur Alex Pham, ingénieur informatique, à qui je dois une reconnaissance infinie.
voix: May Plouzeau
1.1
Seignor, volez oïr bone chançon ? – v1
Onques meillor n'oïstes par le mont,
Ce est d'Alis, la pucele as crins blonz,
Qui tant ert pro, mout ert de grant valor. – v4
1.2
Lez sa seror seoit desor la rive. – v5
Cele lisoit coiement en un livre,
Mais Aalis, si estoit mout pensive,
Lores à primes sent trop est en oisdive. – v8
1.3
Dos foiz o trois ot ele sa veüe – v9
covertement enz el livre conduite
Mais il n'avoit portrait ne parleüre.
'Et de coi sert uns livre ò n'a peintures
Ne parlemenz ? ' pense Alis la Menue. – v13
1.4
Por c'esgardoit Alis en soi meïsme – v14
Au mieuz que pot : de dormir a envie
Et el se sent lorde por la chaline.
Mout li pleüst trecier entor sa crine
Un chapelet de blanches marguerites ;
Mais ce sera, espoir, trop grant martire
S'ele se lieve et quieut les flors eslites. – v20
1.5
Ainsi pensoit Alis quant sodement – v21
Passe uns Conins pres de li en corant.
Les ieuz ot clers com rose et il fu blans. – v23
1.6
Li Blans Conins corant devant li passe. – v24
Ice ne fu mie granment notable,
Et poi le tint Alis por merveillable
quant ele oï le Conin qui se blasme.
En soi disoit: ' Por Dieu l'esperitable !
Tart sui venuz, or m'estuet corre en haste ! '– v29
3.61
Mout umblement ot respondu Alis, – v1173
Mais la Soriz s'enire et à haut cri
Dit aigrement ces paroles : ' No fis ! '
Dist Aalis : ' Un no ! ' qu'el veut toz dis
Aidier autrui, si esgarde entor li
Et durement s'esmaie. ' Ice te pri,
Lai moi desfaire o toi cel no tortiz ! '
' No ferai, voir ', respondi la Soriz
Qui se leva et sempres s'en parti. – v1181
9.21
' De mostarde a ci pres une grant mine. – v3806
Moralité i a, si la doi dire :
'Com je plus ai de mostarde en ma mine,
Et meins as tu de t'ostarde en ta tine.' '
' Or sai je bien ! ' escrïa la Meschine
(Pas n'ot la fin de sa raison oïe)
' Vegetableté est ele enterine.
Ne la resemble nïent plus qu'une guivre,
Mais leüns est, se Dieus me beneïe. ' – v3814
9.38
' Por coi avez vos ris ? ' dist la Pucele. – v3946
' De li rïoie, che ne fait à enquerre
Dist li Grifons. ' Tot est dedens sa teste.
Nul jor n'ochïent nului en cheste terre.
Ce sachiés bien. Venés ! ' Si l'amoneste. – v3950
9.39
' Onc n'i perdi le kief ne chil ne chil, – v3951
Bien le sachiés, venés ! ' ce dist li Gris.
' Ci dïent tuit 'Venez !' ' pensa Alis,
Et lentement s'en va, si le sivi. – v3954