Retour vers UQTR
Trousse virtuelle à l'intention du personnel éducateur œuvrant auprès des enfants 0-5 ans

La rencontre de Youssef à l’organisme RePère

Lors d’une rencontre avec une intervenante, le père relate une partie de son histoire.

Père : « Nous avons eu notre premier enfant peu de temps après notre arrivée au Canada. Nous voulions ardemment cet enfant. Ensuite, Fatima a insisté pour utiliser une méthode contraceptive. De mon côté, j’ai insisté pour que ça soit fait de manière rigoureuse. Notre arrivée au Canada est complexe et je ne veux pas faire subir aux enfants tout ce stress, qui risque d’ailleurs de continuer à augmenter avec plusieurs enfants.

Puis, quelques mois plus tard, j’apprends que Fatima est enceinte de notre deuxième enfant. Je sentais que j’étais au bout de mes ressources. Notre relation était déjà très conflictuelle. »

Intervenante : « Qu’est-ce que vous entendez par conflictuelle? » (Poser des questions ouvertes face à la violence et réutiliser les mots du parent.)

Père : « Chaque sujet devenait — et devient encore — une source importante d’escalade des conflits; la façon de s’y prendre avec Amir et Adila, les difficultés financières, principalement celles reliées aux embuches vécues pour faire reconnaître nos compétences et nos expériences de travail antérieures, les tâches ménagères, etc. Tout ce que je fais, c’est jamais correct, jamais assez bien fait. Elle prend l’argent que je rapporte à la maison sans me consulter. »

Intervenante : « Je vous crois quant à ce que vous vivez et à comment ça peut détruire ce qu’il y a à l’intérieur de vous. » (Croire le parent et normaliser le vécu du parent.)

Père : « Oui, je ne sais plus par quel bout prendre la situation. Je ne vois plus clair. Et là, j’apprends que Fatima est enceinte de notre troisième enfant. Je tente de lui expliquer que nous ne pouvons pas garder ce bébé, que c’est déjà la pagaille à la maison. Elle refuse de se faire avorter et elle pense que je suis juste un égoïste. Ça fait encore plus augmenter nos disputes et ça revient continuellement sur la table, comme discussion. Elle me fait du chantage avec ça et j’ai peur de ses réactions. C’est infernal. » (L’intervenante adopte une posture d’écoute active pendant que le père se confie.)

Intervenante : « Si vous me parliez de vous. Comment vous portez-vous? »

Père : « Bien, je pense qu’effectivement, je suis un mauvais père. Elle n’arrête pas de me le dire, d’ailleurs. Je me sens de plus en plus déprimé... Je suis épuisé. Je vais chercher Adila à la garderie et je la ramène à la maison. Je fais le souper et je mets les petits au lit. Je retourne faire plusieurs heures de livraison. Je me doute que mon épouse a une relation extra-conjugale, mais je ne dis rien. Cela ne ferait qu’augmenter le climat de tension important. Elle me reproche de garder mes émotions et d’exploser ensuite. J’avoue que parfois j’en ai assez et je suis responsable de mes comportements lorsque je crie. Amir demeure à la maison avec Fatima. Son entrée à la garderie se fera l’automne prochain. Dès que j’arrive à la maison, elle me confie Amir, me disant qu’elle a dû s’en occuper toute la journée. »

Intervenante : « Certains hommes peuvent subir de la violence de différentes façons. Ça peut être sexuellement, physiquement, psychologiquement ou verbalement. »
L’intervenante donne des exemples (se faire traiter de différents noms, être isolé de son réseau social et de sa famille, être ignoré par son partenaire pendant de longs moments, recevoir des insultes, se sentir obligé d’avoir des relations sexuelles en raison de menaces ou de chantage, se faire pousser, se faire lancer des objets, etc.).
« Avez-vous l’impression de subir certains de ces comportements? »

Père : « Bien… isolé? Je sais pas trop. Elle était constamment en conflit avec mes parents, dans notre pays. Elle disait qu’ils n’étaient pas corrects. J’avoue qu’ils ont leurs enjeux, mais une fois que j’y pense, ils étaient tout de même là pour moi quand j’en avais besoin. Je me retrouve pas mal seul, au bout du compte. »

L’intervenante évite plusieurs pièges : recommander au père de quitter sa conjointe, lui dire qu’il doit bien faire quelque chose pour alimenter le climat de tension, l’encourager à comprendre les comportements de sa conjointe.