Quelques cas de transformation

cheval

Fiche 1. Pourquoi dit-on un cheval, mais des chevaux?

Comme on peut le constater dans les transformations, la réponse se trouve dans l'évolution phonétique des deux mots qui ont été soumis, en raison de leurs constitutions phoniques différentes, à des règles de transformations différentes.

En effet, le nom singulier cheval est issu de caballum (ca-BAL-loum), et le nom pluriel chevaux est issu de caballos (ca-BAL-loss).

Pourquoi écrit-on un X, et non pas un S dans la graphie de CHEVAUX ?

voix: André Bougaïeff

CABALLUM
> cheval [ʃə.'val]  
[ka.'bal.lum]  

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
[ka.'bal.lu]  

R7. Des voyelles du latin classique > … tardif : a > [a]; u > [o]  
[ka.'bal.lo]  

R10. Affaiblissement de [b] entre voyelles > [v]  
[ka.'val.lo]  

R16 Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] > [tʃa]  
[t∫a.'val.lo] 

R18. Loi de Bartsch (1er temps): [tʃa] en syllabe ouverte > [t͜ʃe]  
[t∫e.'val.lo]  

R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] > [l]  
[t∫e.'va.lo]  

R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC)  
[t∫e.'val]  

R27. Loi de Bartsch (3e temps): [t͜ʃe] atone en syllabe ouverte > [t͜ʃə]  
[t∫ə.'val]  

R35. Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] > [ʃ]  
[∫ə.'val]  

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[∫ə.'va]  

R40. Retour de la consonne finale  
[∫ə.'val]

chevaux

voix: Luc Ostiguy 

CABALLOS > chevax, chevaulx, chevaux [ʃə.'vo]  
[ka.'bal.los]  
R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale : Maintien de la flexion du pluriel  
R7. Des voyelles du latin classique > … tardif: a > [a]; o atone > [o]  

R10. Affaiblissement de [b] entre voyelles > [v]  
[ka.'val.los] 

R16. Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] > [tʃa]  
[t∫a.'val.los]  

R18. Loi de Bartsch (1er temps): [tʃa] en syllabe ouverte > [t͜ʃe]  
[t∫e.'val.los]  

R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] > [l]  
[t∫e.'va.los] 

R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC)  
[t∫e.'vaɫs] 

R27. Loi de Bartsch (3e temps): [t͜ʃe] atone en syllabe ouverte [t͜ʃə]  
[t∫ə.'vaɫs]   

R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne > [w]  
[t∫ə.'va͜ws]   

R35. Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] > [ʃ]  
[∫ə.'va͜ws]   

R38. Amuïssement de la consonne finale.  
[∫ə.'va͜w]   

R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague): [a͜w] > [o]  
[∫ə.'vo]  

oeuf

 

Fiche 2. Pourquoi dit-on un œuf, mais des œu(fs)?  

Comme on peut le constater dans les transformations, la réponse se trouve simplement dans l'évolution phonétique des deux mots qui ont été soumis, en raison de leurs constitutions phoniques différentes, à des règles de transformations différentes. 

En effet, les mots œuf et œufs, issus respectivement de ovum (O-woum) et ovos (O-woss), ont connu des évolutions phonétiques différentes en raison de leurs constitutions phoniques respectives.

voix: Geneviève Bernard-Barbeau 

ŌVUM > °ovum > uef, œuf [œf]  
['o.wum]  

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['o.wu] 

R7. Des voyelles du latin classique > … tardif: o tonique > [ɔ] ; u > [o]  
['ɔ.wo] 

R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ɔ.vo] 

R11. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (1er temps) > [w͜͜ɔ]  
['w͜ɔ.vo]   

R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV)  
['w͜ɔv]   

R24. Dévoisement de la consonne finale : [v] > [f]  
['w͜͜ɔf]   

R32 Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (2e temps): [w͜ɔ] > [w͜e]  
['w͜ef]

R34.2 Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [w͜e] > [ø] (eu)  
[øf]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[ø]   

R40. Retour de la consonne finale  
[øf]   

R41. Ouverture de [ø] tonique en syllabe fermée > [œ]  
[œf]  

oeufs

voix: Luc Ostiguy

ŌVOS > °ovos > ues, œufs [ø]  
['o.wos] 

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale de flexion du pluriel  
['o.wos] 

R7. Des voyelles du latin classique > … tardif: o tonique > [ɔ]; o atone > [o]  
['ɔ.wos] 

R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ɔ.vos]   

R11. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (1er temps) > [w͜͜ɔ]  
['w͜ɔ.vos]   

R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CVC)  
['w͜͜ɔvs]   

R26. Amuïssement de la consonne finale devant consonne: [vs] > [s]  
['w͜ɔs]   

R32. Diphtongaison romane de [ɔ] du latin tardif (2e temps): [w͜ɔ] > [w͜e]  
['w͜es] ues (graphie médiévale)   

R34.2. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [w͜e] > [ø]  
['øs]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
['ø]   

pierre 

Fiche 3. Comment expliquer que le mot pierre soit relié à pétrifier ?  

Comme on peut le constater, l'étymon latin petram (PÉ-tramm), dont découle le mot pierre, possède un peu de la forme du mot pétrifier .  

En fait, ce dernier est une construction à partir du latin petram (pierre) et du suffixe français –(i)fier.  

Selon Rey (2016), ce mot aurait été attesté une première fois en 1580 pour signifier 'changer en pierre' (Double latinisation du français).

voix: André Bougaïeff

PETRAM  
> piedre > pierre ['pjεʁ]
['pe.tram]  

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['pe.tra] 

R7. Des voyelles du latin classique > … du latin tardif: e tonique > [ε]; a > [a]  
['pε.tra]   

R10. Affaiblissement de la consonne [t] > [d]  
['pε.dra] 

R11. Diphtongaison romane de [ε] du latin tardif (1er temps) > [j͜e]  
['pj͜e.dra] 

R22.2. Affaiblissement de la voyelle atone finale: [a] > [ə]  
['pj͜e.drə] 

R29. Affaiblissement du groupe de consonnes final tr > [rr]  
['pj͜er.rə]   

R37. Amuïssement du e final  
['pj͜er]   

R41. Ouverture de [e] tonique en syllabe fermée > [ε]  
['pj͜εr]   

R44. Évolution de r [r] > [ʁ]  
['pj͜εʁ]   

mois 

En 1582, par la bulle pontificale Inter gravissimas, le pape Grégoire XIII a supprimé dix jours du mois d'octobre pour permettre le remplacement du calendrier julien (introduit en l'an 46 avant notre ère par l'empereur romain Jules César) par le calendrier grégorien, utilisé aujourd'hui dans la plupart des pays.

Pour plus de détails, veuillez vous reporter à cette adresse.  

Quelle différence y a-t-il entre un chiffre, un nombre et un numéro ? Découvrez-la à cette adresse.  

Fiche 4. Quel est le rapport entre les mots nombre et numéro ?  

Si le mot latin numerum (NOU-mé-roum) est devenu nombre, d'où vient alors le mot numéro ?  

Ce dernier est un emprunt que les Français ont fait à l'italien en 1589. Les mots nombre et numéro sont donc deux formes issues du même étymon, mais appartenant à des langues romanes différentes. Cela illustre bien le fait que le même mot latin peut produire des rejetons différents suivant les langues.

voix: Geneviève Bernard-Barbeau

NUMERUM  
> nombre [nɔ̃br]  
['nu.me.rum] 

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['nu.me.ru]   

R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['num.ru]   

R7. Des voyelles du latin classique > … du latin tardif: o atone > [o]; u > [o]  
['nom.ro]   

R13. Épenthèse consonantique  
['nom.bro]   

R22.3. Affaiblissement de la voyelle atone finale (syllabe CCV)  
['nom.brǝ]   

R36. Nasalisation des voyelles  
['nɔ̃.brǝ]   

R37. Amuïssement du e final  
['nɔ̃br]   

R44. Évolution de r [r] > [ʁ]  
['nɔ̃bʁ]   

armure

Fiche 5. Quel est le rapport entre les mots armure et armature ?  

Si le mot latin armatūram (ar-ma-TOU-ramm), après plus de quinze siècles de transformation, est devenu armure, d'où provient alors le mot armature ?  

Ce dernier est un emprunt savant au latin médiéval armatura désignant, en architecture au XIIe s., la charpente sur laquelle on construit une voûte. 

Les mots armure et armature illustrent bien cette double latinisation du français, l'une, armure, par la voie de l'évolution phonétique, l'autre, armature, par emprunt en vue de l'enrichissement de la langue française en mots nouveaux (Double latinisation du français).

voix: Luc Ostiguy

ARMATŪRA  
> armeüre > armure [aʁ.myʁ]  
[ar.ma.'tu:.ram]  

R1. Amuïssement de la consonne latine  
[ar.ma.'tu:.ra] 

R7. Des voyelles du latin classique > … latin tardif: ū > [u]; a > [a]  
[ar.ma.'tu.ra]   

R10. Affaiblissement de la consonne [t] entre voyelles > [d]  
[ar.ma.'du.ra]  

R22.2. Affaiblissement de la voyelle atone finale: [a] > [ə]  
[ar.ma.'du.rә]   

R23. Affaiblissement de la voyelle atone pré-tonique : [a] > [ә]  
[ar.mә.'du.rә]   

R25. Voyelle [u] issue de ū devient [y]  
[ar.mə.'dy.rə]   

R28. Amuïssement des consonnes [t] et [d] entre voyelles  
[ar.mə.'y.rә]   

R37. Amuïssement du e final  
[ar.mə.'yr]   

R39. Amuïssement de la voyelle [a] atone pré-tonique  
[ar.'myr]   

R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[aʁ.'myʁ]  

croire 

Fiche 6. Croire, ou craire comme on dit par chez nous au Québec?  

Les formes croire et craire proviennent du même mot latin : crēdere (CRÉ-dé-ré). Eh bien oui! Les deux mots sont tout aussi nobles l'un que l'autre de par leur ascendance.  

Comme on peut le voir dans le calendrier des transformations, le son [e͜͜j], issu de la diphtongaison française des voyelles latines ē et i (R. 17.2) a débouché, selon le lieu géographique, sur deux formes différentes.  

Dans la région parisienne et dans l'est de ce qui est aujourd'hui la France, l'évolution a donné [e͜͜j] [w͜e] (oé), plus tard [wa] (oa), tandis que, dans le nord-ouest et l'ouest, l'évolution a donné [e͜j] [ε] (è).  

Cette double destinée est à l'origine de l'alternance entre les formes droit et draitte, froid et fraitte, qu'il soit et qu'il saiye.  

Aujourd'hui, les secondes ne sont plus entendues que dans les français régionaux de France, entre autres en gallo (Haute-Bretagne) et en normand, et en français québécois de registre familier.   

voix: Geneviève Bernard-Barbeau 

CRĒDERE > credre > croire [kʁw͜aʁ]  
['kre:.de.re]   

R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['kre:.dre]   

R7. Des voyelles du latin classique > … du latin tardif: ē > [e]; e atone > [e]  
['kre.dre]   

R17.2. Diphtongaison française (1er temps): [e] > [e͜j]  
['kre͜j.dre]   

R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CCV)  
['kre͜j.drə]   

R29. Affaiblissement du groupe de consonnes final dr > [r]  
['kre͜j.rə]   

R33. Diphtongaison française (3e temps): Évolution de [e͜j] > [we] ou [ε]  
['krw͜e.rə] ~ ['krε.rə]   

R37. Amuïssement du e final  
['krw͜er] ~ ['krεr]   

R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e] > [w͜a]  
['krw͜ar] ~ ['krεr]   

R44. Évolution de r [r] > [ʁ].  
['kʁw͜aʁ] ~ ['kʁεʁ]   

ausculte 

Fiche 7. Quand un médecin ausculte un corps humain, il en écoute les signaux!  

Le verbe écouter provient du mot latin auscultārer (aos-koul-TA-ré), signifiant 'écouter avec attention', devenu escultāre (es-koul-TA-ré) en latin tardif, véritable étymon.  

On le retrouve dans les premiers textes sous la forme escolter (é-koul-TÉR) dans le sens de 'prêter une oreille favorable à quelque chose', plus tard, au XVIe s., escouter (é-cou-TÉ), enfin écouter (é-cou-TÉ).  

Le mot ausculter est un emprunt au latin médiéval, attesté pour la première fois sous une adaptation française en 1510 (Rey 2016).

voix: Luc Ostiguy 

AUSCULTĀRER  
> °escultārer > escolter, écouter [e.ku.'te]  
[es.kuɫ.'ta:.re] 

R5. Prosthèse, ou formation d'une voyelle non étymologique en début de mot.  
[es.koɫ.'ta.re]   

R17.1. Diphtongaison française (1er temps): [a] > [a͜e]  
[es.koɫ.'ta͜e.re]   

R20. Loi de Bartsch (2e temps)  
[es.koɫ.'te.re]   

R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV)  
[es.koɫ.'ter]   

R30.4. Vocalisation de la consonne [ɫ] suivie d'une consonne > [w]  
[es.ko͜w.'ter]   

R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne  
[e.ko͜w.'ter] 

R34.5. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [o͜w] > [u]  
[e.ku.'ter]   

R38. Amuïssement de la consonne finale.  
[e.ku.'te]   

moudre

Fiche 8. Pourquoi moudre le café dans un moulin à café !  

Les mots moudre et moulin sont tous deux plus ou moins reliés au même étymon latin.  

Le mot moudre est issu du verbe molere ; moulin, du nom latin molīnum (mo-LI-noum), lui-même construit à partir de molere.  

Il n'y avait qu'un pas à faire pour créer le syntagme mouler son café, action de broyer des grains dans un moulin.

voix: André Bougaïeff

MOLERE  
> moldre > moudre [mudʁ]  
['mo.le.re] 

R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['moɫ.re]   

R7. Des voyelles du latin classique > … du latin tardif: o tonique > [ɔ] ; e atone > [e]  
['mɔɫ.re]   

R13. Épenthèse consonantique  
['mɔɫ.dre]   

R22.3. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CCV)  
['mɔɫ.drә]   

R30.4. Vocalisation de [ɫ] suivi d'une consonne: [ɔɫ] > [ɔ͜w]  
[mɔ͜w.drә]   

R34.5. Monophtongaison des diphtongues (1re vague): [o͜w] > [u]  
['mu.drǝ]   

R37. Amuïssement du e final  
['mudr]   

R44. Évolution de r [r] > [ʁ]  
['mudʁ]   

mois 

Fiche 9. Quel est le rapport entre les mots mois et mensuel ? Ces deux mots ne se ressemblent pas beaucoup!  

Le mot mensuel signifiant 'qui a lieu tous les mois' est un emprunt francisé au bas latin mēnsualis, attesté pour la première fois en 1795 (Rey 2016). Voilà le rapport entre les deux mots reliés par le sens, et un peu moins par la forme.

voix: Geneviève Bernard-Barbeau

MĒNSEM > mois [mwɑ]  
['me:n.sem]  

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['me:n.se]   

R2. Amuïssement de la consonne n devant la consonne s  
['me:.se]   

R7. Des voyelles du latin classique > … du latin tardif: ē > [e]; e atone > [e]  
['me.se]   

R15. Affaiblissement de la consonne [s] entre deux voyelles > [z]  
['me.ze]   

R17.2. Diphtongaison française (1er temps): [e] > [e͜j]  
['me͜j.ze]   

R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV)  
['me͜jz]   

R24. Dévoisement de la consonne finale: [z] > [s]  
['me͜js]   

R33. Diphtongaison française (3e temps) : évolution de [ej] > [o͜j] > [w͜e]  
['mw͜es]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[mw͜e]   

R43. Diphtongaison française (4e temps): Évolution de [w͜e], [w͜a]~[wɑ]  
[mwɑ]   

ail

Fiche 10. L'homophonie en français en un seul vers : un ver vert.   

On appelle homophones les mots qui se prononcent de la même façon. Et le français en contient beaucoup, dont ô, eau, haut, aulx (ail, au pluriel), oh!, ainsi que les mots en titre vers, ver et vert .  

Si ces trois mots se prononcent aujourd'hui de la même façon, à savoir [vεʁ], leurs orthographes respectives diffèrent : en effet, ce sont des homophones non homographes – Ces trois mots se prononcent de la même façon, mais s'écrivent de façon différente. 

À l'origine de ces trois mots, se trouvaient trois mots latins bien distincts tant du point de vue de l'orthographe que de celui de la prononciation.  

Ceux qui ont façonné l'orthographe française au cours du second millénaire ont voulu conserver l'autonomie graphique de ces mots homophones, non seulement pour bien les différencier à l'œil, mais aussi pour rappeler un peu leurs étymons latins et 'faire voir' les mots français, héréditaires ou directement empruntés au latin et francisé (v. Double latinisation), qui appartenaient à leurs 'familles de mots' :  

  • verS : lat. veRSusverSet, verSification  
  • verT : lat. viriDemverDure, verTe  
  • ver : lat. veRMemveRMisseau, veRMiselle, veRMifuge, véReux  

Voici leurs parcours respectifs, qui les ont fait évoluer vers la même forme phonétique [vεʁ]:  

vert

voix: Luc Ostiguy

VIRIDEMvert  
['wi.ri.dem] 

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wi.ri.de]  

R4. Syncope de la voyelle atone en syllabe ouverte à l'intérieur de mot  
['wir.de]   

R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: i > [e]; e atone > [e]  
['wer.de]   

R8. [w] (v) latin devient [v]  
['ver.de]   

R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
[verd]   

R24. Dévoisement de la consonne finale  
[vert]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[ver]   

R41. Ouverture de [e] et [ø] toniques en syllabe fermée  
[vεr]   

R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]   

ver

voix: André Bougaïeff

VERMEM > verm > ver  
['wer.mem]  

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wer.me]   

R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: e tonique > [ε]; e atone > [e]  
['wεr.me]   

R8.[w] (v) latin devient [v]  
['vεr.me]   

R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
['vεrm]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[vεr]   

R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]    

vers

voix: André Bougaïeff

VERSUS > vers  
['wer.sus]  

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
['wer.su]   

R7. Des voyelles du latin classique à celles du latin tardif: e tonique > [ε]; u > [o]  
['wεr.so]   

R8. [w] (v) latin devient [v]  
['vεr.so]   

R22.1. Affaiblissement ou amuïssement de la voyelle atone finale  
['vεrs]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[vεr]   

R44. Évolution de r [r] devenu [ʁ]  
[vεʁ]   

chateauneuf 

Fiche 11. Neuchâtel ou Châteauneuf, c'est un peu comme 'blanc bonnet ou bonnet blanc' !  

En français parlé au Moyen Âge (ou ancien français), il arrivait qu'un même mot présentât deux formes selon ses fonctions grammaticales.  

Ainsi les mots oiseau, cheveu, chevreuil, étaient dits, au singulier, l'oisel, le chevel, le chevreuil, lorsqu'ils occupaient la fonction complément du verbe ou du nom (dit cas-régime), et li oiseaux, li cheveux, li chevreux, lorsqu'ils occupaient la fonction de sujet de la phrase (dit cas-sujet). 

Au pluriel, c'était l'inverse: les oiseaux, les cheveux, les chevreux, lorsqu'ils occupaient la fonction de complément, et li oisel, li chevel, li chevreuil, lorsqu'ils occupaient la fonction de sujet.  

Voir à ce propos la distinction cas sujet / cas régime.  

Plus tard, une des deux formes a progressivement éliminé l'autre et a occupé les deux fonctions : l'oiseau, les oiseaux ; le cheveu, les cheveux ; le chevreuil, les chevreuils (dans certains parler régionaux, l'inverse : le chevreu, les chevreux).  

Il reste, dans la langue française, des traces de ces formes éliminées, dans des mots dérivés, comme oiseleur, écheveler, ou dans des noms de familles, comme Loiselle au Québec.  

Ainsi en était-il avec château et châtel, dont on peut voir les deux parcours. Les villes Neuchâtel et Châteauneuf ont donc, dans leurs appellations, la même origine linguistique, ainsi que la même signification : un château nouveau.  

chateau

voix: Geneviève Bernard-Barbeau

CASTELLUM (cas accusatif) > châtel [ʃɑ:.'tεl] ~ [ʃa.'tεl]  
[kas.'tel.lum]  

R1 Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale  
[kas.'tel.lu]   

R7 Des voyelles du latin classique > … tardif: a > [a]; e tonique > [ε]; u > [o]  
[kas.'tεl.lo]   

R16 Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] > [tʃa]  
[t͜ʃas.'tεl.lo]   

R19 Simplication des consonnes géminées: [ll] > [l]  
[t͜ʃas.'tε.lo]   

R22.1 Amuïssement de la voyelle atone finale (syllabe CV#)  
[t͜ʃas.'tεl]   

R31 Amuïssement de s suivi d'une consonne.  
[t͜ʃɑ:.'tεl]   

R35 Simplification des consonnes affriquées: [tʃ] > [ʃ]  
[ʃɑ:.'tεl]   

chateaux

voix: Luc Ostiguy

CASTELLUS (cas nominatif) > château [ʃɑ:.'to] ~ [ʃa.to]  
[kas.'tel.lus] 

R1. Amuïssement ou maintien de la consonne latine finale : Maintien de la flexion du nominatif singulier  

R7. des voyelles du latin classique > … tardif: a > [a]; e tonique > [ε]; u > [o]  
[kas.'tεl.los]   

R16. Palatalisation de la consonne [k] en gallo-roman central: [ka] > [tʃa]  
[t∫as.'tεl.los]   

R19. Simplification des consonnes géminées: [ll] > [l]  
[t∫as.'tε.los]   

R22.1. Amuïssement de la voyelle atone finale  
[t∫as.'tεɫs]   

R30. Vocalisation de [ɫ] suivie d'une consonne : [εɫs] > [ea͜w]  
[t∫as.'tea͜ws]   

R31. Amuïssement de s suivi d'une consonne.  
[t∫ɑ:.'tea͜ws]   

R35. Simplification des consonnes affriquées  
[∫ɑ:.'tea͜ws]   

R38. Amuïssement de la consonne finale  
[∫ɑ:.'tea͜w]   

R42. Monophtongaison des diphtongues (2e vague)  
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