2. Louis Nicolas et le savoir botanique de son temps.

Louis Nicolas appartient à cette génération de Jésuites qui semblent avoir voulu mettre en pratique l'avis que Colbert donnait au Père de Fonteney:

"Mon père, [écrivait Colbert au P. de Fonteney], les sciences ne méritent pas que vous preniez la peine de passer les mers et de vous réduire à vivre dans un autre monde, éloigné de votre patrie et de vos amis. Mais comme le désir de convertir des infidèles et de gagner des âmes à Jésus-Christ porte souvent vos Pères à entreprendre de pareils voyages, je souhaiterais qu'ils se servissent de l'occasion, et que dans le temps où ils ne sont pas occupés à la prédication de l'Évangile, ils fissent sur les lieux quantité d'observations qui nous manquent pour la perfection des arts et des sciences."* .

Ce grand ministre de Louis XIV qui crée l'Académie des sciences* résume les deux formes d'activités qui marqueront la mission jésuite en Nouvelle-France: l'apostolat et l'observation scientifique. Nicolas témoigne d'un grand intérêt pour la seconde. D'autres, comme Lafitau et Charlevoix, viendront ajouter aux connaissances scientifiques sur la colonie.

Où se situe l'entreprise de Louis Nicolas dans le savoir botanique de son temps? Comme Foucault l'a montré "ce qui existait au XVIe siècle, et jusqu'au milieu du XVIIe siècle, c'était des histoires"*. Les botanistes du XVIe siècle ont comme source d'inspiration les descriptions écrites des Anciens telles que, par exemple, la Bible, les écrits d'Hippocrate, de Théophraste, de Dioscoride et de Pline l'Ancien. L'emphase est placée sur l'analyse critique des textes du passé. L'Historia, le Commentarii et le Theatrum véhiculent alors un savoir un peu plus près de ce que l'on observe dans la nature. Ces ouvrages deviennent le lieu de la comparaison entre les observations faites sur le terrain et les textes des Anciens. Les botanistes cherchent souvent les correspondances entre les plantes décrites par les Anciens et celles qu'ils observent dans des régions différentes au point de vue climatique. Ils constatent alors que les Anciens botanistes n'ont pas tout décrit et commentent les textes anciens. À ce titre, notons entre autres: en 1543, le De Historia Stirpium Commentarii de Leonhard Fuchs; en 1544, le Dioscorides, commentarii in sex libros Pedaciis Dioscoridis d'Andrea Matthioli; en 1576, le Rariorum Plantarum Historia de Charles de l'Escluse; et en 1586-1587, l'Historia generalis plantarum de Jacques Dalechamps. D'autres textes, comme les De Herbis décrivent les plantes observées et leurs propriétés thérapeutiques. Ces auteurs sont mentionnés par Nicolas dans l'Histoire naturelle et révèlent en partie sa conception de la botanique.


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