14. Des Oranges au parfum d'une autre époque

Comme pour la série de figures de 1566 à 1700 sur le Citron, le corpus iconographique de l'Oranger tisse les mêmes liens entre les figures utilisées dans les traités de botanique au XVIe et au XVIIe siècles. La figure de l'Orange de Matthioli de 1566 est utilisée par Laguna en 1570; celle de Dodoens de 1583 est copiée par Clusius en 1601; celle de Tabernaemontanus de 1588 est réutilisée par Gerard en 1597; et finalement la réédition par Johnson en 1633 du Herball, or Generall Historie of Plantes de Gerard fait ressurgir la figure de l'Orange de 1601 de Clusius et de 1583 de Dodoens . Ce qui confirme l'hypothèse d'Arber qui note que:

"Something must be said, however, about a few of the pictures in Johnson's editions of Gerard's Herball (1633 and 1636), which are interesting, not on account of any novelty, but from their extreme antiquity."*.

Le "Petit oranger de la virginie" de Nicolas s'inscrit plus aisément par sa forme et son contenu dans la série de figures datant de 1565 à 1700 . Avant 1583 avec Dodoens, les botanistes ne semblent pas s'intéresser à la fleur et ne voient aucune nécessité à la représenter. La figure de l'Oranger de Nicolas, par son absence de fleur, se classe parmi les représentations antérieures à 1583. Nicolas s'éloigne alors des botanistes du XVIIe siècle qui donnent dans leurs figures des plantes beaucoup plus de détails et qui s'intéressent aux fleurs. Nicolas, dans l'Histoire naturelle décrit l'Oranger ainsi: "L'arbrisseau a plusieurs rejettons à 4 ou 5 pieds de hauteur, ils sont tous fort épineux, et piquant, les épines sont longues fortes, et deliées."*. Ces quelques lignes se comparent avec un extrait des Commentaires de Matthioli de 1572 qui dit que:

"Les orangiers demeurent toujours verts comme les citronniers. Ils ont les feuilles semblables à celles du à feuille large, espaisses, lissees, odorantes & finissans en pointe. Leurs branches pareillement sont soupples, espineuses, couvertes d'une escorce de couleur vert blanchastre."* .

La description de Nicolas est presque identique à celle de Matthioli datant de cent ans avant l'Histoire naturelle. Nicolas poursuit sa description en précisant que

"[l'] on voit peu de feuilles sur l'arbrisseau, 4 bien près des épines on voit bourgenoir une petite fleur blanche fort odoriferente, et de la il se forme un fruit gros comme un poix sans pepain, le fruit rapporte a un petit coquillage, son odeur est plus forte que l'odeur des meilleurs oranges de provance, son ecorce les ressemble."* .

Cela ne correspond pas à la figure du Codex qui ne montre pas de fleur. Par contre les qualités de la fleur de l'Histoire naturelle de Nicolas sont identiques à celles de Matthioli qui les dit "blanches, d'odeur fort exquise, lesquelles sont diligemment recueillies des parfumeurs où il y en a quantité, pour les compositions des parfums."*. Les Oranges qui sont apportées à Paris viennent

" /.../de Nice, de l'Asiouta, de Grace, des Illes d'Hyeres, de Gennes, de Portugal, des Isles de l'Amérique, & même de la Chine; mais la plus grande partie /... / viennent de Provence."*.


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