Le dessin de l'Ehlebore blanc de Nicolas est la copie exacte, sans les fleurs, de cette plante que Matthioli dit semblable à l'Ellébore. Nicolas ne retient de toutes les propriétés médicinales décrites par Matthioli que celle de guérir les tumeurs. Les propriétés de la plante européenne restent multiples mais son usage par les Amérindiens s'ajoute à l'observation de cette variété nouvelle dont parlait Matthioli, c'est-à-dire l'Ophrys de Pline. Matthioli croit en une science qui commente et illustre les plantes des textes de l'Antiquité, une science du XVIe siècle. Il représente à sa manière dans son chapitre sur l'Ellébore cette "plante nommée Ophrys, qui ressemble au chou dentelé, et qui n'a que deux feuilles"*. Dalechamps traite de la ressemblance entre l'Ellébore et l'Ophrys et explique comment on peut les différencier:
"/.../d'autres la [la Double feuille] prennent pour une espèce de Percefueille; d'autres pour l'Elleborine; d'autres avec plus de raison tiennent que c'est l'Ophrys de Pline, non pas que l'on ait espreuvé qu'elle puisse servir à noircir les sourcils; mais à cause qu'elle ne fait que deux feuilles."*.
Les sources d'inspiration des botanistes du XVIIe siècle sont les traités de Gesner, Matthioli, Fuchs, Brunfels, Bauhin, Césalpin et d'autres.
On trouve dans l'Histoire générale des plantes de Dalechamps la représentation de l'Ophrys de Matthioli. Or ce dernier fut accusé par Gesner, Guilandini, Colonna, de l'Obel, Pena et Jean Bauhin* d'avoir trompé ses lecteurs avec des figures imaginaires des plantes. Effectivement, Matthioli fait paraître un ouvrage dont le titre* fait état de certaines représentations imaginaires de plantes.
Cependant, une centaine d'années plus tard, Dalechamps, comme les botanistes de son temps qui cherchent aussi une classification et une représentation fidèle des plantes faite à partir d'observations, semble croire encore à l'existence de l'Ophrys, puisqu'il la représente dans son Histoire générale des plantes.
Or, l'observation et l'apport des voyageurs naturalistes dans le monde est important. Nicolas veut
"[s']âccomoder autant qu'il se pouvait aux idées que les habiles botanistes auraient pu se former de la lecture des principaux écrivains sur ces matières: quoyque a dire le vray les pensées qu'on prend dans la lecture des livres de cette nature sont bien differentes de celles qu'on a sur les lieux ou l'on a veu les choses dont on parle /.../"*.
C'est pourquoi il dessine cette plante curieuse et peut-être imaginaire en Europe mais qu'il croit toutefois bien réelle en Nouvelle-France. Nicolas, par son propos qui en dit peu et par un dessin proche de l'Ophrys de Matthioli et de Dalechamps , relance la question des colonies et des curiosités qui pourraient s'y cacher.