Que le village était composé de quatre nations, savoir :
Les Iroquois sont dans un canton séparé, logés dans des maisons de bois construites de pièces sur pièces à la française et de figures quarrées ou quarré long, comme ceux du Sault Saint-Louis. Ils sont originaires des cinq nations [sud du lac Ontario]; et pour que ce soit apparent que c'est la religion qui les fixe dans ce village, il est plus à croire que c'est leur intérêt. Ils partent ordinairement après le jour des trépassés pour aller en chasse avec femmes et enfants; une partie d'eux revient à Noël, et les autres à la Chandeleur. Ils ne sont ordinairement chargés que de chevreuils. Ils séjournent jusqu'au lendemain des Cendres où ils partent pour aller faire de la pelleterie de castors et de martres. Ils cultivent la terre, recueillent du blé d'Inde, des fèves, des pois et autres légumes; ils trafiquent beaucoup avec leurs frères des cinq nations qui leur procurent des Anglais beaucoup de marchandises en troc de leurs castors. [...]
Les Algonkins et les Nipissingues ont chacun leur canton. Quoique ces deux nations soient amies, leurs maisons ne sont point mêlées; elles sont voisines et bâties à la française, et de même figure et construction que celles des Iroquois.
Les Sauvages de ces deux nations vivent assez d'intelligence. À la fin de septembre, ils abandonnent le village pour aller hiverner dans le bois avec femmes et enfants; ils s'éloignent jusqu'à 250 et 300 lieues [1 250 à 1 500 km; une lieue équivaut à environ 5 km], y vivent de la chasse et ne s'en reviennent, au plus tôt, qu'à la pentecôte, chargés de pelleteries. Pendant l'été, ils se nourrissent des denrées qu'ils achètent en troc des pelleteries ou avec de l'argent. Les chiens sont pour eux surtout un mets friand. Ils ne cultivent point la terre d'autant que comme ils font beaucoup de commerce avec les habitants d'Orange, le profit qu'ils en tirent suffit pour se procurer des Français établis dans le village tout le nécessaire à la vie.
Les Français qui habitent dans ce village habitent un canton séparé, sont tous marchands et négociants pour traiter des pelleteries des Sauvages en troc de marchandises quelconques. Ils ne s'en tiennent point à ce petit trafic, ils les emploient à en porter chez les cinq nations ou chez les Anglais et, plus communément, à en rapporter d'étrangères qu'ils répandent dans la colonie malgré la rigueur des ordonnances et le tort que cela fait au commerce français.
Source : Louis Franquet, Voyages et mémoires sur le Canada en 1752 et 1753, Montréal, Éditions Élysée, 1974, p. 45-47.