Le premier compte rendu d'une rencontre où il fut question d'une alliance, date de 1603. Les Innus (Montagnais), les Algonquins et les Etchemins (Malécites) rencontrent Samuel de Champlain et son associé Pontgravé près de Tadoussac. Anadabijou, le chef innu, leur fait un bon accueil.
Le 27e jour, nous fûmes trouver les Sauvages à la pointe de Saint-Mathieu, qui est à une lieue [environ 5 km] de Tadoussac, avec les deux Sauvages que mena le sieur du Pont pour faire le rapport de ce qu'ils avaient vu en France, et de la bonne réception que leur avait fait le roi. Ayant mis pied à terre, nous fûmes à la cabane de leur grand sagamo [chef], qui s'appelle Anadabijou, où nous le trouvâmes avec quelque 80 ou 100 de ses compagnons qui faisaient tabagie [qui veut dire festin], lequel nous reçut fort bien, selon la coutume du pays et nous fit asseoir auprès de lui, et tous les Sauvages arrangés [rangés] les uns auprès des autres des deux côtés de ladite cabane. L'un des Sauvages que nous avions amenés commença à faire sa harangue de la bonne réception que leur avait fait le roi, et le bon traitement qu'ils avaient reçu en France, et qu'ils s'assurassent que sa dite Majesté leur voulait du bien et désirait peupler leur terre et faire [la] paix avec leurs ennemis (qui sont les Iroquois) ou leur envoyer des forces pour les vaincre; en leur contant aussi les beaux châteaux, palais, maisons et peuples qu'ils avaient vus, et notre façon de vivre; il fut entendu avec un silence si grand qu'il ne se peut dire de plus. Or après qu'il eut achevé sa harangue, ledit grand sagamo Anadabijou, l'ayant attentivement ouï [entendu], commença à prendre du pétun [tabac] et en donna audit sieur du Pont Gravé de Saint-Malo et à moi, et à quelques autres sagamos qui étaient auprès de lui; ayant bien pétuné [fumé], il commença à faire sa harangue à tous, parlant posément, s'arrêtant quelquefois un peu, et puis reprenait sa parole, en leur disant que véritablement ils devaient être fort contents d'avoir sa dite Majesté pour grand ami; ils répondirent tous d'une voix: «ho, ho, ho», c'est-à-dire «oui, oui». Lui, continuant toujours sa dite harangue, dit qu'il était fort aise que sa dite Majesté peuplât leur terre et fît la guerre à leurs ennemis, qu'il n'y avait nation au monde à qui ils voulussent plus de bien qu'aux Français. Enfin, il leur fit entendre à tous le bien et utilité qu'ils pourraient recevoir de sa dite Majesté.
Source : Samuel de Champlain, Des Sauvages, texte établi par Alain Beaulieu et Réal Ouellet, 1993, p. 95-97.