Le rêve occupe une place considérable dans les sociétés autochtones, tellement que les missionnaires jésuites disent que c'est le «Dieu de ce pays». De leurs côtés, les Amérindiens s'étonnent de voir que les Français ne croient pas aux rêves.
Au début du 17e siècle, le jésuite Jean Brébeuf mentionne l'importance du rêve dans la société amérindienne:
Ils ont une croyance au songe qui surpasse toute croyance et si les Chrétiens mettaient en exécution toutes les inspirations divines avec autant de soin que nos Sauvages exécutent leurs songes, sans doute ils deviendraient bientôt de grands Saints. Ils prennent leurs songes pour des ordonnances et des arrêts irrévocables et dont il n'est pas permis sans crime de différer l'exécution. Un Sauvage de notre Village songea cet hiver, dès son premier sommeil, qu'il devait faire promptement festin et, sur-le-champ, tout nuit qu'il était, se leva, s'en vint nous éveiller et nous emprunter une de nos chaudières.
Le songe est l'oracle que tous ces pauvres Peuples consultent et écoutent, [...], c'est le maître le plus absolu qu'ils aient; [...]: le songe préside souvent à leurs conseils; la traite, la pêche et la chasse s'entreprennent ordinairement sous son aveu et ne sont quasi que pour lui satisfaire; [...]
Il est vrai que tous les songes ne sont pas dans ce crédit; [...]. Il faut que ce soit une personne assez accommodée et dont les songes se soient trouvés plusieurs fois véritables: et encore ceux qui ont le don de bien rêver n'écoutent pas tous leurs songes indifféremment; ils en reconnaissent de faux et de véritables; et ceux-ci, disent-ils, sont assez rares.
Source : Jean Brébeuf, Relation de ce qui s'est passé au pays des Hurons en l'année en 1636, Paris, Chez Sébastien Cramoisy, 1637, p. 116-118.