Dans l’ère numérique actuelle, il va sans dire que l’influence des nouvelles technologies et des réseaux sociaux est grandissante au sein de nombreux secteurs et industries. C’est notamment le cas au sein du milieu policier où l’incorporation de nouveaux outils technologiques a permis une innovation des pratiques de policing contemporaines. C’est dans ce contexte que la professeure Stacy Dewald, de la University of St. Francis en Illinois, a mené une ethnographie au sein d’un poste de quartier de taille moyenne aux États-Unis, avec pour objectif d’étudier comment les enquêteurs utilisent les nouvelles technologies et les réseaux sociaux dans le cadre de leur travail, puis de comprendre comment ces outils leur étaient utiles.
Pour interpréter ses résultats, Dewald s’est appuyée sur la théorie des technological frames, initialement conceptualisé par Orlikowski et Gash (1994). En début d'article, elle définit les frames comme étant l’ensemble des présomptions, des attentes et des connaissances qui influencent la compréhension, l’utilisation et la perception de l’utilité des technologies dans une organisation donnée. Au terme d'une observation de six mois durant lesquels de multiples entretiens in situ et semi-structurés avec des enquêteurs et patrouilleurs du poste étudié ont eu lieu, Dewald a conclu que les nouvelles technologies et les réseaux sociaux sont principalement mobilisés par les enquêteurs à des fins d'efficacité.
En outre, Dewald justifie son constat principal en indiquant d’abord qu’une majorité des enquêteurs interviewés considèrent que les outils technologiques sont relativement faciles à utiliser et s’avèrent hautement utiles dans plusieurs situations. Ils soulignent par exemple que les réseaux sociaux permettent aux enquêteurs d’être proactifs dans certains dossiers comme la prévention en milieu scolaire, ou encore de faciliter leurs démarches de recherche dans les cas où il y a un risque suicidaire ou pour le démantèlement de réseaux de prostitution en ligne. Ils sont formés à travailler en collaboration avec les fournisseurs de service pour retracer des adresses IP, localiser des appareils mobiles, ou encore pour accéder aux informations d’utilisateurs de plateformes de médias sociaux. Le plus grand obstacle rencontré par les policiers relèverait du temps qu’il leur est nécessaire pour l’usage de technologies plus avancées, comme l’utilisation du logiciel Cellebrite, mais que ces derniers parviennent souvent à trouver des stratégies d’adaptation, notamment en n’hésitant pas à demander assistance à des collègues ou de tierces parties lorsque cela peut leur être bénéfique.
Si, pour diverses raisons, les innovations technologiques ne sont pas toujours adoptées facilement dans certains contextes, l’étude de Dewald propose une démonstration positive et favorable à l’intégration des technologies en contexte policier. Elle soutient que le temps investi pour les apprentissages nécessaires à l’usage des outils technologiques et l’adaptation des pratiques ne suffisent pas à en réduire leur utilité dans les enquêtes.
En fait, la coopération, l'entraide et la communication font en sorte de minimiser les contraintes associées à l’intégration de nouvelles technologies en contexte policier et facilitent également l'harmonisation des différents niveaux de compétences techniques entre ceux-ci.
Par Bintou Diarra (juin 2023)