10. Des cèdres du Canada et de la Virginie vers la Cédria égyptienne et le bois de la croix de la Passion (suite 1.)

Les parentés ne s'arrêtent pas uniquement aux textes, elles vont même jusqu'aux figures du Cèdre. Par exemple, à la page 31 de l'Histoire générale des plantes, Dalechamps montre en parallèle ce qu'il nomme "Nostre Cedre Phoenicien" et le "Cedre Phoenicien de Matthiol"Illustration. Louis Nicolas reprend maladroitement ces deux figures en inversant leur position . De plus, l'une des branches est courbe Illustration et l'autre, plus rectiligne Illustration comme dans l'Histoire générale des plantes de Dalechamps . Par contre, il utilisait ces figures en 1585-87, c'est-à-dire environ une centaine d'années avant Nicolas. Quand Des Moulins réédite l'ouvrage en 1653, on y retrouve la figure du Cèdre des Commentaires de 1572 de Matthioli .

Pour Nicolas, il semble normal d'associer la figure du Cèdre blanc qui pourrait produire la cédria des Égyptiens à celle du Cèdre phoenicien de Matthioli et de Daléchamps. La figure du Codex est proche de celles de Dodoens (1583) et de Gerard et Johnson (1633) .

Nicolas est très imprécis dans la différence qu'il veut établir entre les deux espèces de Cèdre. Il dit qu'elle est "fort notable presque en tout, dans la feuille, dans la grandeur, dans le bois, dans les noeuds, dans la couleur et dans l'odeur"*; mais il ne donne aucune précision, sinon peut-être que le Cèdre rouge et blanc est plus petit, que son bois est à demi blanc et rouge, qu'il est très odoriférant, tordu, très noueux et que sa feuille est un peu plus courte et plus épaisse que celle du Cèdre blanc*.

La figure du Codex Illustration transpose assez fidèlement ces caractéristiques: Nicolas multiplie les noeuds sur la branche du Cèdre rouge, il dessine l'aspect torsadé de la branche et tente de faire voir l'épaisseur des feuilles les unes par rapports aux autres en ne les dessinant pas séparément comme c'est le cas pour le Cèdre blanc.

Dalechamps dit de l'écorce du Cèdre phoenicien ou Syrien que "si on la gratte avec l'ongle, elle est verte: mais si on l'entame plus profond, elle est rouge."*. Comme il n'existe pour Nicolas que deux espèces de Cèdre et "qu'il y a bien de la ressemblance entre les deux et quainsi il faut leur donner le même nom le differentian par les couleurs"*, le Cèdre rouge de Virginie doit être visuellement proche à la fois du Cèdre blanc et du Cèdre phoenicien. Les filiations établies avec Dalechamps, Des Moulins et Matthioli pour le texte et les figures démontrent une fois encore que Nicolas utilise des sources du milieu du XVIIe siècle qui sont elles-mêmes des références aux travaux du XVIe et même à ceux des botanistes de l'Antiquité. Ses figures sont souvent adaptées à l'observation faite sur les plantes en colonie, mais lorsque les modèles font défaut, il copie le plus fidèlement possible des illustrations tirées de livres, comme ce fut le cas pour la Granadille.


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