Les personnages importants vers 1745 sont des hommes ayant une influence remarquable grâce à leur talent de négociateur et d'orateur. Ce sont surtout des chefs, des ambassadeurs, mais aussi des chamans et des aînés. Plusieurs de ces personnages assurent les fonctions d'ambassadeur, de diplomate et de chef de guerre. Ce sont des individus respectés et réputés autant au sein de leur nation qu'à l'extérieur de celle-ci. Certains se consacrent à la défense des intérêts de leur nation et à la conservation de leurs territoires. Au sein de leur alliance avec les Autochtones, les Français privilégient certains chefs afin de s'en servir comme intermédiaires auprès de leur peuple. Ils tentent de gagner puis de conserver l'amitié de ceux qui sont les plus influents. Ces personnages importants nous ont laissé de précieux témoignages.
Témoignage d'un vieux chaman micmac qui raconte que la vie des Micmacs était autrefois plus facile :
Mon Père,
Avant votre arrivée dans ces contrées-ci qui sont cette terre où le Grand Dieu nous a fait naître, et où nous sommes crus [multipliés] comme les herbes et les arbres que tu vois, notre grande occupation était de chasser à toute sorte de bêtes, de nous nourrir de leur chair et de nous couvrir de leurs peaux; de chasser au gibier soit petit soit grand, de choisir entre tous ces gibiers les plus beaux et les mieux garnis en plumage pour nous en faire des ornements de tête. Nous ne tuions de bêtes et de gibiers qu'autant qu'il nous en fallait pour manger en un jour, le lendemain nous recommencions. Mais ne pense pas que nos chasses fussent comme aujourd'hui pénibles et laborieuses; il ne s'agissait alors que de sortir de nos cabanes quelquefois avec nos flèches et nos dards, quelquefois sans flèches et sans dards, et à une très petite distance de notre village nous trouvions nos besoins. S'il ne nous plaisait pas dans certains jours de manger de la viande, nous allions aux lacs et aux rivières qui se trouvaient le plus à proximité du lieu où étaient nos cabanes, ou bien à la côte la plus voisine, et là nous attrapions du poisson de toute espèce dont nous nous nourrissions.(Maillard, « Lettre de M. l'abbé Maillard sur les missions de l'Acadie et particulièrement sur les missions micmaques », vers 1750, Les Soirées canadiennes, 1863, p. 300)
Trois harangues d'Atecouando, un chef abénakis de Saint-François (Odanak), ont été conservées. Dans son discours de 1752, Atecouando s'adresse au capitaine Stevens, député du gouverneur de Boston (Nouvelle-Angleterre). Il lui demande qui a autorisé les Anglais à faire arpenter et coloniser les terres qui appartiennent toujours aux Abénakis :
Mon frère,
Nous vous parlons à vous comme si nous parlions à votre gouverneur de Boston. Nous entendons de toute part que ce gouverneur et les Bostonnais disent que les Abénakis sont de mauvaises gens. C'est en vain qu'on nous taxe d'avoir le cœur mal fait, c'est toujours vous, nos frères, qui nous ont attaqués; vous avez une bouche de sucre, mais un cœur de fiel; à la vérité dès que vous commencez, nous savons nous défendre.
2o Nous vous disons, mon frère, que nous ne demandons point la guerre; nous ne demandons pas mieux que d'être tranquilles, et il ne tient qu'à nos frères les Anglais d'avoir la paix avec nous.
3o Nous n'avons point encore vendu les terres que nous habitons; nous voulons en conserver la possession. Nos anciens ont bien voulu vous souffrir, nos frères les Anglais, au bord de la mer, […], nous le voulons bien aussi.
4o Nous ne voulons pas seulement céder un pouce des terres que nous habitons au-delà de ce qui a été décidé anciennement par nos frères.
5o Vous avez depuis là, où vous êtes logés, la mer pour votre partage; vous pouvez y traiter, mais nous vous défendons très expressément de tuer un seul castor, ni prendre un morceau de bois sur les terres que nous habitons. Si vous voulez du bois, nous vous le vendrons, mais vous ne l'aurez pas sans notre permission.
6o Qui est-ce qui vous a autorisé, mon frère, à faire arpenter ces terres? Nous prions le gouverneur de Boston, notre frère, de faire punir ces arpenteurs, ne pouvant pas nous imaginer que ce soit par son ordre.
7o Vous êtes donc les maîtres, nos frères, de la paix que nous devons avoir avec vous; d'abord que vous ne voudrez point anticiper sur ces terres, nous serons en paix comme le Roi de France l'est avec le Roi de la Grande-Bretagne.(« Paroles des Abénakis de Saint-François au capitaine Stevens, député du gouverneur de Boston, en présence de M. le baron de Longueil, gouverneur intérimaire du Canada, et des Iroquois du Sault Saint-Louis et du Lac-des-Deux-Montagnes (le 5 juillet 1752) », Bulletin des recherches historiques, vol. 39, 1933, p. 109-110)