6. Louis Nicolas et la doctrine des Signatures (suite 1.)

Ils voyaient dans cette fleur divers symboles de la passion du Christ; d'où son nom de "fleur de la Passion". Le bouton de la fleur symbolisait l'Eucharistie. La fleur à demi ouverte suggérait l'étoile qui guidait les Rois mages. Les trois stigmates au centre sont les clous; les cinq étamines, les plaies du Christ; la frange de filaments, la couronne d'épines et les dix pièces pétaloïdes derrière la couronne rappellent les apôtres moins Judas et Pierre.

À la fin du XIXe siècle, deux cent dix espèces dans la Famille des Passiflorées sont recensées dans des régions tropicales de l'Amérique*. En 1952, on dénombre approximativement trois cents espèces de Passiflores qui sont, pour la plupart, américaines. Quelques variétés se trouvent en Asie et une seule, à Madagascar*. On en connaît actuellement au-delà de cinq cents espèces*. Au XVIIe siècle, il était donc possible d'en trouver plus d'une variété dans les parties tropicales de l'Amérique. Nicolas n'en montre qu'une dans son Codex.

L'histoire du symbolisme chrétien de cette plante dont on ne fait pas mention dans la Bible remonterait vers 1610*. Ce serait Emanuel de Villegas, un augustinien du Mexique qui aurait rapporté le dessin de la Passiflore à Jacomo Bosio qui préparait alors un ouvrage sur la Croix du Calvaire.

"La Granadille qui produit Les Instrumens de la passion de N.S.J.C." du Codex est, pour sûr, la Passiflora quadrangularis (Linné) Illustration. Ce qui surprend, c'est que Nicolas n'a pas décrit cette plante dans son texte de l'Histoire naturelle.

Bien que Nicolas se vante de l'originalité de ses travaux, il appert que la représentation qu'il donne de cette plante Illustration est identique à des gravures connues .

La gravure Illustration de Martin Wörle* aurait pu servir de modèle à Nicolas. Il reprend presque dans tous les détails la gravure de cet enlumineur. Cette fleur est aussi représentée dans les enluminures du Psaulme de David. Moldenke* relève l'exemple d'Hohberg qui, en 1680, enlumine le texte de son Verfassung des gantzen Psalter Davids in teutsche Reim-gebande avec la Passiflore. Nicolas a pu voir cette illustration ou encore certaines représentations gravées de la Passiflore faites pour plaire aux âmes dévotes du temps. Dès 1643, des xylographies de la Passiflore des Indes occidentales étaient diffusées en France et en Italie, comme en témoigne ce texte:

"Coppie de la fleur de la passion qui croist dans les Indes Occidentales. (Au-dessous, bois gravé colorié représentant la Passiflore avec ses feuilles, sa fleur et son fruit). Cette fleur de la passion présentée à Nostre S. Père a esté apportée à Rome, par Monsieur Le Charron, Doyen de l'Église Royale de S. Germain de l'Auxerois, & donnée au public, en faveur des Ames devotes. (Au-dessous, description de cette 'fleur de la Passion', autrement nommée 'Grannadèlle' suivie d'un appel à la prière. Ce texte encadre un petit bois gravé colorié représentant les armes de Le Charron)"*.


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