> 8.1 La représentation du Maïs

La plante que tient l'Almouchicoise Illustration serait selon Gagnon le Maïs et celui-ci "encore peu familier aux Européens, donnait lieu à des représentations plus fantaisistes"*. Comparons cette représentation avec l'illustration du Panicum de Matthioli . Le graveur aurait placé dans la main de l'Almouchicoise une plante du nom de Panicum, une variété de Millet du nom de "Panic". L'erreur que semble avoir commis le graveur qui n'avait jamais vu de Maïs est d'avoir confondu le Milium indicum avec le Panicum. Le Milium indicum et le Panicum sont représentés l'un à côté de l'autre sur la même page dans La 'Materia Medica' de Dioscorides* d'Andrès de Laguna* . Il semblait tout à fait logique pour Pelletier d'emprunter cette image, d'autant plus que les descriptions que Champlain fait du Maïs sont très imprécises, on peut s'expliquer l'erreur .

La forme primitive du Maïs d'abord cultivé en Amérique centrale que l'on trouve ensuite en Amérique du Nord, ressemble au Panicum de la gravure de Matthioli . Si Champlain avait remis à Pelletier un dessin proche d'un épi de Maïs qui n'avait pas subi des hybridations et des sélections permettant d'augmenter la taille et la forme de l'épi jusqu'à celui du Maïs actuel, il est normal qu'il ait choisi de montrer le Panicum de Matthioli puisque celui-ci est très proche du Maïs primitif que consommaient les Amérindiens . L'étrangeté, le côté fantaisiste que notait Gagnon s'explique alors plus facilement. D'ailleurs, de toutes les représentations du Maïs au XVIe siècle, aucune à notre connaissance ne ressemble à celle que tient l'Almouchicoise. "Le gros mil [...] qu'ils mangent au lieu de pain"* dont parlait Cartier ne fait qu'ajouter à l'ambiguïté de la botanique du graveur Pelletier.

Il faut également constater que le graveur de la Carte de 1612 n'avait sûrement pas vu la carte de Lescarbot (1611) avec sa représentation du Maïs et de la Vigne Illustration. Il est probable que Champlain ou son graveur connaissaient l'ouvrage de Matthioli ou de Laguna. À l'époque, il n'y avait que quelques grands traités de botanique importants comme ceux de Brunfels, Clusius, Fuchs, Matthioli, Plantin et Camerarius. Ils étaient illustrés par le procédé de la xylographie. Les figures de ces ouvrages étaient souvent copiées*. Bref, la représentation du Maïs dans le cartouche de la Carte de 1612 de Champlain est très proche des illustrations de Matthioli et de Laguna.

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