Le vieillissement est, et de loin, le plus grand facteur de risque pour développer un cancer. Mais selon de récentes évidences, il semblerait que ce soit le nombre total de divisions exécutées par nos cellules souches durant notre vie qui soit derrière cette relation. Sachant que la carcinogénèse implique de multiples changements génétiques et épigénétiques, que ces erreurs surviennent majoritairement durant la réplication et la division des cellules, et que la sélection naturelle tend à favoriser la survie et la prolifération cellulaire, il devient alors évident que plus une cellule se divise, plus elle a de chances d’évoluer vers le cancer. Tandis que seules les cellules souches possèdent une capacité proliférative qui leur permet, à long terme, d’acquérir les multiples changements nécessaires à cette transformation cancéreuse, il existe une forte corrélation positive entre la fréquence des divisions des cellules souches dans un tissu et le risque de développer un cancer dans ce même tissu. Autrement dit, ce ne serait pas le vieillissement en tant quel tel qui est le plus grand facteur de risque pour développer un cancer, mais plutôt le nombre de divisions exécutées par nos cellules souches; plus nous vivons vieux, plus nos cellules souches se seront divisées, plus elles auront pu évoluer vers le cancer.
C’est pourquoi nous voulons définir les mécanismes qui régulent prolifération des cellules souches au sein d’un organisme vivant. Dans cette direction, il fut d’abord reconnu que la nutrition, en activant la voie insuline/IGF-1, stimule de façon systémique la prolifération des cellules souches. Cette prolifération ne dépend toutefois pas uniquement de l’alimentation mais aussi d’un autre mécanisme qui la relie aux besoins tissulaires pour de nouvelles cellules différenciées, de sorte que nos cellules souches se divisent seulement quand de nouvelles cellules différenciées sont requises, par exemple, pour réparer un tissu.
Le principal but de notre programme de recherche est de mieux définir ce mécanisme de régulation homéostatique et comme il régule la prolifération des cellules souches. Pour arriver à nos fins efficacement, nous utilisons un modèle avantageux : les cellules souches germinales du nématode C. elegans. Entre-autres, la petite taille et la transparence de cet organisme nous procurent une accessibilité in vivo inégalée à ses cellules souches. Nos travaux permettront ultimement de mieux définir les principes qui gouvernent le niveau de prolifération des cellules souches dans un organisme intact. Le but de notre programme est ainsi de générer de nouvelles directions à explorer dans la prévention et le traitement du cancer, ainsi qu’en médecine régénératrice.