Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie

  

Un grand problème vert

Par Danny Gedig, étudiant à la maîtrise sous la supervision de Gregor Fussmann l'Université McGill.

As-tu déjà vu des nappes de mousse verte, rougeâtre ou brun-jaune sur un lac ou dans une rivière? Ce ne sont pas des rejets d’usine ou d’égouts. Il s’agit d’une prolifération d’organismes, aussi appelée bloom (en anglais), efflorescence ou fleur d’eau. En général, dans les eaux douces (c’est-à-dire, non salées), les efflorescences vertes se composent de cyanobactéries (ou algues bleu-vert) plutôt que d’algues. Les cyanobactéries sont des bactéries qui font de la photosynthèse, d’où la couleur bleu-vert. En raison des changements climatiques, les scientifiques s’attendent à ce qu’on en voit de plus en plus.

Attention : potentiel toxiqueDannyGedig1

Dans certains cas, ces fleurs d’eau de cyanobactéries peuvent devenir dangereuses et contaminer des sources d’eau potable lorsque les cyanobactéries libèrent des substances toxiques dans l’eau. Ces toxines peuvent être néfastes pour la santé et peuvent causer différents désagréments comme une irritation de la peau, de la fièvre, des maux d’estomac, de la diarrhée, des vomissements, et parfois des maladies graves touchant le foie et les reins. Les symptômes et leur gravité varient en fonction de l’exposition et du type de toxines présentes.

Les changements climatiques sèment le trouble

Le réchauffement du climat et l’allongement de la saison estivale ont un impact sur le mélange des eaux et… le développement de fleurs d’eau de cyanobactéries.

En effet, la plupart des lacs sont « stratifiés » en différentes couches pendant une bonne partie de l’année : couche chaude en surface, couche plutôt tiède au milieu et couche froide en profondeur. Celles-ci se mélangent au gré de saison. C’est la température de l’air qui détermine le brassage de l’eau. Le réchauffement climatique vient changer les propriétés de la couche de surface. Celle-ci, un peu comme l’huile qui reste en surface de l’eau et ne se mélange pas, forme une barrière qui limite le mélange d’eau, ce qui peut réduire la teneur en oxygène. Ainsi, cette barrière peut contribuer à l’émission de nutriments (par exemple, le phosphore) favorisant la prolifération des efflorescences nuisibles.

   

Pollution agricole et eaux usées au banc des accusés

Les activités humaines, comme l’utilisation d’engrais dans les champs ou la mauvaise gestion des eaux usées, relâchent aussi des nutriments dans les lacs et les rivières.

Selon une expérience qui a débuté en 1969 en Ontario, le nutriment qui contribue le plus aux fleurs d’eau de cyanobactéries dans les eaux douces est le phosphore, utilisé comme engrais en agriculture.

Pour en arriver à cette découverte, des chercheurs ont séparé un lac entier en deux par une sorte de mur. Ils ont ajouté de l’azote et du phosphore d’un côté et seulement du phosphore de l’autre. Ils ont découvert que la partie dans laquelle il n’y avait pas d’azote avait plus de fleurs d’eau de cyanobactéries que l’autre. Cette expérience continue encore aujourd’hui, car la formation de ces efflorescences est complexe. L’azote semble y contribuer dans certains cas, et il faut plus d’études pour mieux comprendre la situation et voir comment on peut y remédier.

Le cercle vicieux des gaz à effet de serre

Les scientifiques ont démontré que les changements climatiques offrent des conditions propices à la prolifération de cyanobactéries, mais aussi que les lacs ayant beaucoup de fleurs d’eau de cyanobactéries produisent plus de méthane, un fort gaz à effet de serre.

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Sachant que les émissions de gaz à effet de serre générés par les activités humaines (p. ex. industries, transport) se trouvent à l’origine du réchauffement climatique, lequel cause la prolifération de fleurs d’eau de cyanobactéries qui, à leur tour, produisent d’autres gaz à effet de serre, le problème risque-t-il d’empirer davantage? C’est une question qui concerne les scientifiques, qui continuent à explorer les complexités des fleurs d’eau de cyanobactéries.

Par exemple, dans le cadre de mon projet de maîtrise en biologie à l’Université McGill, j’ai examiné l’impact du méthane sur les cyanobactéries et les algues, dans le but de mieux comprendre les interactions entre ce puissant gaz et les efflorescences algales. Cette étude a notamment révélé que l’augmentation du méthane favorise diverses interactions entre les bactéries aquatiques, telles que le partage de nutriments, un sujet qui mérite d’être exploré plus en profondeur.

Pour en apprendre plus, visitez le site du ministère de l’Environnement du Québec : Algues bleu-vert = cyanobactéries!

Références :

  

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Mis en ligne en août 2025

   

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