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Trousse virtuelle à l'intention du personnel éducateur œuvrant auprès des enfants 0-5 ans

Cadre d'analyse écosystémique · Les besoins de développement de l’enfant

SANTÉ

Bien-être physique

Bien-être physique Exposer un tout-petit à la violence conjugale, c’est mettre à risque sa santé et sa sécurité.

Entourant l’atteinte à son intégrité physique

Des risques de coups et de blessures

L’enfant est à risque de subir des agressions physiques, soit en étant blessé directement (en étant visé par la violence) ou indirectement (en tentant de s’interposer pour protéger son parent).

D’ailleurs, la violence conjugale vient avec la notion de cooccurrence. Co quoi? Cooccurrence ou violence multiple. Le tout-petit exposé à la violence conjugale risque beaucoup plus de vivre d’autres formes de mauvais traitement dans sa famille, comme de la violence de la part de sa mère ou de son père.

Un mot sur la violence physique

Tout geste de nature physique émis par un parent ou un tuteur qui, peu importe l’intention, entraine une douleur et porte atteinte à l’intégrité ou au bienêtre physique ou psychologique de l’enfant (Clément, 2019, chapitre 2).

Il se peut que vous voyiez des marques sur la peau de l’enfant. Il ne faut toutefois pas oublier que plusieurs enfants portent des marques à l’intérieur d’eux, dans leur cœur, et que ces marques ne sont pas visibles.

Dans des situations extrêmes, certains enfants peuvent être entrainés dans la mort en même temps que leur mère ou leur père.

Il est normal que le fait de parler de ces impacts génère un stress chez vous. Ce n’est pas banal et vous avez raison!

Le parent qui subit de la violence ainsi que son enfant doivent être en sécurité physique et psychologique.

Les enfants nomment leur besoin de sécurité : « Je suis bien quand papa va en prison ».

Entourant la grossesse et la naissance

Dès le moment où l’enfant est dans le ventre de sa mère, il vit déjà les impacts de la violence que celle-ci peut subir au sein de son couple. La femme enceinte peut vivre une multitude de complications (ex. : hypertension, saignements ou hémorragie, décollement placentaire) qui peuvent mettre à risque la vie du bébé (fausse couche, décès néonatal). L’accouchement peut s’avérer plus compliqué ou survenir prématurément. Le bébé peut aussi être de faible poids à sa naissance.

Une portion non négligeable de situations de violence vécues par la femme de la part de son conjoint surviennent lors de la grossesse et d’autres situations de violence persistent, voire s’intensifient, lors de cette période.

L’enfant exposé à la violence conjugale est plus à risque d’être victime du syndrome du bébé secoué.

Entourant la perturbation du sommeil

Ces atteintes du sommeil prennent différentes formes : cauchemars (l’enfant peut se réveiller en pleurant), crainte de la noirceur (le tout-petit pourrait refuser d’aller dormir dans une pièce sombre), besoin excessif de sommeil ou difficulté marquée à s’endormir.

Entourant des problèmes physiques chez l’enfant

Somatiques

L’enfant vit une forte tension interne sans être en mesure d’en parler, ne possédant pas les capacités nécessaires pour comprendre, ne pouvant résoudre le problème seul et n’ayant souvent personne à qui en parler.

Les réactions somatiques sont des manifestations d’un stress chronique, en particulier pour l’enfant présentant déjà des vulnérabilités sur ce plan. Elles peuvent prendre différentes formes : maux de tête et de ventre, nausées, allergies et affections cutanées (réactions allergiques plus intenses et fréquentes, problèmes de peau), déclenchements de crises d’asthme ou exacerbation de la condition asthmatique.

Développementaux

Il faut retenir que, sur le plan biologique, l’exposition à la violence conjugale entraine une multitude de conséquences pour l’enfant, soit des retards de croissance aux rythmes cardiaques augmentés en passant par des taux de cortisol élevés (l’hormone du stress). Sur le plan physique, le système nerveux central se retrouve en état constant d’alerte, ce qui engendre une diminution de la capacité à réguler les émotions.

Point de recherche

L’hypothalamus fait partie du système limbique. Il contribue à émettre des réponses de crainte ou d’agressivité face au danger. L’exposition à la violence suractive ce système. Des poupons de moins de 12 mois exposés à la violence démontrent, de façon tardive, des émotions et des comportements qui paraissent exagérés face à des situations de menaces de moindre intensité. Cela démontre une hypersensibilité de ce système qui contribue à maintenir un état d’hypervigilance.

L’ensemble de ces conséquences physiques nous amène à mieux comprendre l’enfant qui développe certaines réactions, par exemple des problèmes de comportement. En effet, ces réactions découlent de changements très concrets dans son cerveau et son système physiologique. Autrement dit, comprendre ces impacts nous aide à conserver notre bienveillance face à un enfant qui peut pleurer sans fin ou faire fréquemment des crises.

ÉDUCATION

Développement cognitif et langagier

Développement cognitif et langagier

« L’attention est la “capacité de se concentrer sur une personne (comme sa mère ou son petit frère), sur un objet (comme un éléphant jouet) ou sur une activité (prendre un repas, jouer au soccer) pendant un certain temps. La capacité d’attention est liée à la faculté d’apprendre des choses (comme se rappeler où se trouve une personne ou un objet)”. Mais “pour qu’une information soit retenue, il faut d’abord lui prêter attention”, et c’est la raison pour laquelle la mémoire est si étroitement liée à l’attention .»

(Programme du ministère, 2019)

L’enfant peut avoir des images tirées de certains évènements de violence qui lui reviennent en tête et il a alors de la difficulté à être attentif.

Difficultés de concentration

Retard dans l’acquisition du langage et des habiletés cognitives

Les impacts de l’exposition à la violence conjugale sur les habiletés verbales du tout-petit sont particulièrement marqués.

Par exemple :

  • L’enfant s’absente régulièrement et/ou les raisons justifiant ses absences paraissent saugrenues. L’enfant a déménagé, de façon impromptue, sans que vous soyez avisé.
  • À l’âge de 2 ans, il n’est pas en mesure de placer deux mots ensemble, par exemple « aller auto »
  • À l’âge de 3 ans, il articule difficilement et l’éducatrice ou l’éducateur peine à le comprendre. Il ne saisit pas les directives qui contiennent plus de deux ou trois étapes.

Absentéisme du service de garde éducatif à l'enfance

L’enfant s’absente régulièrement et/ou les raisons justifiant ses absences paraissent saugrenues. L’enfant a déménagé, de façon impromptue, sans que vous soyez avisé.

Problèmes d’apprentissage

Les difficultés d’apprentissage en service de garde éducatif à l'enfance (SGEE) sont différentes de celles en milieu scolaire. Il s’agit généralement d’apprentissages reliés à la vie quotidienne, comme de tourner les pages d’un livre une à la fois ou de s’habiller et de se déshabiller seul.

« Les habiletés cognitives comprennent par exemple la capacité d’un enfant à regrouper et à comparer des objets, à reconnaitre des formes et à trouver des solutions à de petits problèmes. En stimulant le langage et les habiletés cognitives de l’enfant, vous l’aidez à développer son intérêt pour la lecture et l’écriture de même que son raisonnement mathématique. »

(Naître et grandir)

À l’âge de 4 ou de 5 ans, soit avant son entrée à la maternelle, il est possible que l’enfant n’ait pas développé les prérequis.

Il est important de se référer à des grilles concernant le développement de l’enfant permettant d’objectiver si celui-ci présente ou non des défis, voire des retards, dans les différents domaines de son développement.

Les impacts de la violence conjugale sur le développement cognitif et langagier font en sorte qu’il est encore plus difficile pour l’enfant de comprendre ce qu’il vit et de s’exprimer à ce sujet. L’écart se creuse entre les autres enfants et lui. Les routines de vie et les transitions, si nombreuses en SGEE, deviennent ardues.

HABILETÉS À PRENDRE SOIN DE SOI

Développement sur plusieurs plans : de l'autonomie, des habiletés sociales, du comportement et de l'affection

Les recherches auprès des tout-petits n’ont pas porté une attention particulière à chacune des dimensions. Il apparait aussi que l’observation et l’intervention face à ces besoins se jumèlent naturellement.

Perturbation du jeu

L’enfant peut reproduire, dans son jeu, les scènes de violence auxquelles il a été exposé. Il faut toutefois demeurer prudent. Un enfant mettant en scène des personnages qui se frappent n’a pas nécessairement été exposé à la violence.

Accomplissement d’étapes clés freiné

L’exposition à la violence conjugale peut retarder des étapes importantes, comme les premiers pas de l’enfant et l’apprentissage de la propreté.

Régressions

Il s’agit d’un retour en arrière, à une étape de développement connue et maitrisée par l’enfant. Par exemple, lorsque l’enfant fréquente le même milieu de garde pendant une certaine période, l’éducatrice ou l’éducateur observe une régression de la propreté (l’enfant « s’échappe » [urine ou selle]) ou de la façon de s’exprimer (de façon plus infantile que son âge).

La relation d’attachement

« L’attachement, c’est un lien affectif durable qui résulte d’interactions régulières et fréquentes entre l’enfant et les adultes qui prennent soin de lui le plus souvent, sa mère, son père ou un parent substitut ».

(Programme éducatif pour les SGEE, 2019)

Le développement de l’attachement se fait par le biais de différentes étapes. Lorsque des situations de détresse sont vécues (par exemple, avoir faim ou entendre un bruit fort), le bébé émet des comportements d’attachement (par exemple, pleurer, tendre les bras). Selon la qualité des réponses des donneurs de soins, il se construit une représentation internalisée de soi et des relations avec les gens qui l’entourent. Cela veut dire qu’un filtre sera ensuite constamment présent à l’intérieur de lui et qu’il interprètera les situations en fonction de ce filtre.

Le système d’attachement est effectivement constitué de la proximité et du réconfort — cette composante qui est collectivement reconnue comme de l’attachement — mais également de l’exploration de l’environnement. Ces deux composantes sont primordiales.

Lorsqu’une détresse est vécue par l’enfant, ce dernier a tendance à chercher la proximité et le réconfort auprès de sa figure d’attachement afin de faire diminuer sa détresse. Si la réponse offerte par les figures d’attachement est suffisamment réconfortante, la détresse s’apaisera et l’enfant pourra retourner explorer, en réintégrant le jeu, par exemple. L’enfant comprend ainsi qu’il peut revenir en tout temps vers cette base de sécurité. Cela lui permet d’explorer son environnement de manière autonome.

L’exposition à la violence conjugale : Un attachement insécurisant et, dans une large proportion, désorganisé

Le bébé ne fait généralement pas de distinction entre le parent qui commet la violence et celui qui la subit. Il peut même développer de la peur à l’égard des deux parents. Il se retrouve alors coincé, car le parent qui est source de réconfort est à la fois source de stress.

L’exposition à la violence conjugale est effrayante et très « désorganisante » pour le tout-petit. Il ne peut s’approcher facilement de ses parents pour être rassuré. Il ne peut compter sur l’aide de ses figures d’attachement pour le soutenir dans la régulation des émotions bouleversantes qui l’envahissent.

« Nous avons tous assisté à des disputes entre nos parents sans qu’il s’agisse de violences conjugales. La violence conjugale met en jeu la sécurité de l’attachement de l’enfant : elle lui fait peur, elle est source de stress et donc augmente son besoin d’attachement. C’est un véritable tsunami pour la sécurité, car les parents ne sont plus une base de sécurité pour leur enfant alors que leur comportement est une source de stress majeur. Cette situation sans issue du point de vue de l’attachement est en soi un élément désorganisant. »

(Guédeney, N., Guédeney, A., et Rabouam, C., 2013)

Selon le moment de l’apparition de la violence conjugale, le filtre de l’enfant (ses représentations d’attachement) peut changer, passant de sécurisant à insécurisant. Ce filtre peut donc se dégrader. Mais il peut aussi s’améliorer si des changements sont réalisés.

Un attachement désorganisé qui se transforme

Vers l’âge de 12 mois, les éléments majeurs constituant le « filtre » d’attachement sont présents. On peut toutefois concevoir l’attachement comme un processus évolutif : jusqu’à l’âge de cinq ans environ, les modèles d’attachement sont relativement souples, puis deviennent de plus en plus rigides et résistants aux changements. Plus l’enfant grandit et plus ses modèles deviennent globalement imperméables aux nouvelles expériences, tout en pouvant tout de même s’assouplir ou se diversifier avec le temps, dans certaines conditions. La période entre 0 et 5 ans permet donc des changements forts importants!

Au départ, le tout-petit dont l’attachement est désorganisé ne dispose pas de stratégie cohérente pour réguler son environnement, à l’inverse des autres styles d’attachement. Ses comportements sont contradictoires et confus. De plus, au cours de ses premières années de vie, l’attachement désorganisé se précisera en l’une des deux formes principales; le type contrôlant-punitif et le type contrôlant-attentionné.

Comme éducatrice et éducateur, il vous est possible d’observer ces éléments. Les représentations d’attachement (le filtre) s’organisent afin de permettre à l’enfant de prendre le contrôle de l’environnement et de renverser les rôles de façon à rendre cet environnement plus prévisible. La confusion du départ laisse ainsi place au contrôle. Cette altération des rôles est fréquente dans un cadre d’exposition à la violence conjugale. L’enfant prend donc en charge son environnement. Dans ce contexte d’adversité, les différents éléments se cristallisent.

Dans le profil désorganisé de type contrôlant-punitif, l’enfant devient agressif et hostile envers les autres. Il peut donner des ordres et les menacer.

Dans le profil désorganisé de type contrôlant-attentionné, l’enfant tente de garder l’attention d’autrui en s’occupant lui-même de son environnement.

Face à un attachement insécurisant-ambivalent

Cet enfant a de la difficulté à explorer. Il cherche à rester à proximité de l’adulte, mais les stratégies qu’il adopte pour ce faire peuvent attirer le rejet.

Voici un aperçu du vécu des éducatrices et éducateurs face à ce type d’enfant :

« La “switch” est toujours collée, comme s’il en voulait toujours plus. Je ne sais jamais de quoi il a besoin. Si je le prends, il peut me repousser. Il ne sait pas ce qu’il veut. Parfois, c’est l’amour fou entre nous, et parfois, je me dis que c’est bien compliqué de le comprendre. Je dois être encore plus prévisible pour ne pas devenir “rejetante” face à toutes ces réactions. »

Face à un attachement insécurisant-évitant

Cet enfant est devenu le roi de l’exploration.

Voici un aperçu du vécu des éducatrices et éducateurs d’une éducatrice et d’un éducateur face à ce type d’enfant :

« Il est tellement tranquille! Il se cogne, on ne l’entend pas, et il repart comme si de rien n’était. Il fait son petit bout de chemin et il ne vient pas se coller souvent. Je dois me rappeler que ce n’est pas normal d’être si autonome à cet âge. »

Face à un attachement sécurisant

Il ne s’agit pas d’un enfant parfait. Mais il est en mesure de jouer et d’accepter une certaine proximité. La plupart du temps, il est capable d’exprimer son inconfort.

Voici un aperçu du vécu des éducatrices et éducateurs d’une éducatrice et d’un éducateur face à ce type d’enfant :

« Il aime bien jouer avec les amis du groupe et il a des préférences pour ceux avec qui il a le plus d’interactions calmes et positives. Lorsque quelque chose ne va pas, il le fait savoir et accepte généralement bien l’aide. »

Et dans mon service de garde éducatif à l'enfance?

C’est particulièrement lors des moments de détresse, à l’intérieur du contexte relationnel, qu’il est possible d’observer des éléments se rapportant aux représentations d’attachement de l’enfant. Les occasions qui suscitent une certaine détresse sont nombreuses dans un service de garde éducatif à l'enfance (SGEE) : un conflit avec un ami, une assiette renversée ou un refus. En plus, les arrivées et les départs de l’enfant du SGEE peuvent représenter une source cruciale d’information.

Certains signes sont présents et nous renseignent sur des lacunes en matière de sécurité affective (ou d’attachement). Le tout-petit qui présente un style d’attachement désorganisé peut adopter des comportements contradictoires. Il démontre une intensité de réaction disproportionnée à des stimuli particuliers. Il a de la difficulté à établir des relations harmonieuses avec les autres. Il peut aussi manifester un comportement très familier avec les adultes qu’il ne connait pas (par exemple, les parents des autres enfants). Il peut s’approcher de ceux-ci sans conserver une distance relationnelle.

Voici un aperçu du vécu d’une éducatrice et d’un éducateur face à ce type d’enfant (type contrôlant-punitif) :

« Il me fait sentir impuissante! Il m’envoie des signaux qu’il a besoin de moi, comme s’approcher de moi, et ensuite il fige sur place ou il s’éloigne. Il cherche à me contrôler. Il peut être agressif. Je me suis découragée par moments. Il semble avoir peur de créer un lien d’attachement avec les autres. »

La relation d’attachement d’un tout-petit avec son éducatrice ou son éducateur peut se développer de façon plus sécurisante que celle qu’il entretient avec ses figures d’attachement initiales. Même si cela peut s’avérer ardu, vous pouvez créer ce lien particulier!

Le défi, c’est de développer vos capacités à voir les demandes implicites ou non de chaque enfant, à les comprendre et à y répondre en fonction de ses caractéristiques propres, par exemple, de ses représentations d’attachement. Il ne s’agit pas de devenir des experts en évaluation de l’attachement. Mais en comprenant mieux les distinctions, il devient plus facile de se dire « Ah, c’est pour cette raison que je me sens ainsi en présence de cet enfant. », et d’être plus disponible pour réaliser des interventions engagées et ajustées.

On constate aussi que l’enfant en vient à développer son lien d’attachement avec l’éducatrice ou l’éducateur dans les situations de groupe. L’enfant observe comment vous agissez envers l’ensemble du groupe. Plus l’enfant voit que vous êtes sensible envers le groupe, plus il se sentira en sécurité affectivement.

Impacts émotionnels

Fondamentalement, l’enfant exposé à la violence conjugale est terrorisé et se sent impuissant. Ces sentiments peuvent ensuite s’exprimer de toutes sortes de façons, comme par des gémissements, des crises ou des pleurs excessifs. L’enfant peut devenir craintif face à l’avenir, ne sachant pas comment va se dérouler sa soirée, par exemple. L’exposition à la violence conjugale l’amène à se sentir seul.

Il s’agit de réactions à des stress particulièrement intenses.

Le traumatisme complexe réfère aux conséquences des évènements traumatiques interpersonnels qui se produisent de façon chronique et cumulative (Herman, 1992) et qui débutent dans l’enfance, souvent à l’intérieur du système de soin, dans un contexte ou une relation spécifiques (Cook et coll., 2005; Courtois, 2004; Pelcovitz et coll., 1997).

L’enfant vit davantage d’émotions négatives, comme la tristesse, la colère et la peur, et il ressent moins d’émotions positives, comme la joie et le plaisir.

Perturbation de l’apprentissage de la régulation émotionnelle

Le nourrisson est particulièrement vulnérable aux impacts émotionnels compte tenu de son étroite proximité physique et de sa relation avec ses parents.

La réactivité émotionnelle, c’est la réaction de l’enfant lorsque l’émotion monte à l’intérieur de lui. Il s’agit d’un sentiment subjectif, d’une manifestation comportementale et d’une réponse corporelle.

La régulation émotionnelle, c’est la façon dont l’enfant peut influencer lui-même ce qu’il vit et peut exprimer ses émotions. Il est encore plus difficile pour le tout-petit exposé à la violence conjugale de gérer adéquatement ses émotions. Généralement, à cet âge, l’enfant réussit à en faire l’apprentissage notamment avec l’aide de son éducatrice ou éducateur.

Troubles intériorisés et extériorisés

L’adaptation intériorisée, c’est l’élaboration affective de l’enfant. Il s’agit de sa capacité à ressentir des émotions et à les exprimer.

Les troubles internalisés amènent le tout-petit à vivre de l’anxiété, des affects dépressifs et un repli sur soi. Il peut avoir honte de ce qu’il vit. Il est également possible d’observer une perte d’intérêt face au jeu.

Pour illustrer le concept, c’est comme si l’enfant portait une sorte de cape d’invisibilité. Ses émotions et ses besoins sont en quelque sorte cachés aux yeux des adultes qui l’entourent.

L’adaptation extériorisée, c’est la capacité de l’enfant à s’adapter à son environnement et la façon dont il interagit avec celui-ci.

Les troubles externalisés amènent le tout-petit à adopter des comportements agressifs et manifester une réactivité émotionnelle négative (pleurs excessifs et fréquents, irritabilité, crises, destruction d’objets, cruauté envers des animaux).

Ces manifestations peuvent être vues comme des besoins de l’enfant qui ne sont pas pris en compte ou qui ne sont pas satisfaits.

Ces comportements sont perturbants pour les personnes qui les observent. Ils font naitre des questionnements, des craintes et des préoccupations face à l’intervention auprès de l’enfant et de ses parents.

La reproduction de comportements violents – Des stratégies pour survivre

Le tout-petit peut intégrer l’idée que la violence est un moyen de résoudre des conflits avec les autres. Il manque d’habiletés afin de résoudre ces conflits.

L’enfant exposé à la violence conjugale n’est pas en mesure de conceptualiser le conflit d’une manière naturelle. Il veut l’éviter à tout prix, car le conflit est source d’angoisse et de peur. L’enfant peut ainsi se montrer plus agressif. Toutefois, pour l’enfant, le fait de reconnaitre les conflits et d’apprendre à composer avec eux est crucial pour lui permettre de se sentir en sécurité sur le plan affectif.

Ces enfants sont plus à risque de reproduire des modèles relationnels violents dans leur vie, en devenant à leur tour des individus qui subissent ou commettent des actes de violence conjugale.

Attention! Dans ce contexte d’exposition à la violence conjugale, l’augmentation des comportements agressifs est présente tant du côté des garçons que des filles et demeure un élément significatif pour le tout-petit.

PRÉSENTATION DE SOI ET IDENTITÉ

Conscience d'être distinct des autres et d'être apprécié, impression créée chez les autres

Les recherches auprès des tout-petits n’ont pas porté une attention particulière à chacune des dimensions. Il apparait aussi que l’observation et l’intervention face à ces besoins se jumèlent naturellement.

Impacts sur la construction de l’estime de soi

L’enfant exposé à la violence conjugale a souvent une faible estime de soi. En d’autres mots, son sentiment de valeur personnelle est moindre. Conséquemment, l’affirmation envers les autres s’avère ardue.

La construction de l’estime de soi du tout-petit est liée au soutien social qu’il perçoit recevoir. Un enfant pourrait ainsi tirer profit des interventions éducatives visant à augmenter son estime de soi et ainsi mieux s’adapter en dépit de l’exposition à la violence conjugale. Le sentiment de compétence face à ses apprentissages, ses comportements et ses relations avec les autres est un facteur de protection important.

Conflit de loyauté

Le conflit de loyauté est un déchirement incroyable à l’intérieur de l’enfant. Il se sent coincé entre ses parents et il a l’impression de devoir choisir l’un ou l’autre ou prendre parti pour l’un d’eux.

L’enfant qui vit un tel conflit perd sa liberté d’exprimer son affection et sa loyauté à l’endroit d’un parent en présence de l’autre. Il vit un sentiment d’impuissance et se sent ambivalent. Il ne sait pas quoi faire. Comme cette position est impossible à maintenir sur une longue période, l’enfant fera des choix (inconsciemment) dans ses différentes relations. Il adoptera différents rôles.

L’enfant qui vit un tel conflit perd sa liberté d’exprimer son affection et sa loyauté à l’endroit d’un parent en présence de l’autre. Il vit un sentiment d’impuissance et se sent ambivalent. Il ne sait pas quoi faire. Comme cette position est impossible à maintenir sur une longue période, l’enfant fera des choix (inconsciemment) dans ses différentes relations. Il adoptera différents rôles.

Hypervigilance

L’hypervigilance consiste à être constamment en état d’alerte, « aux aguets », à observer ce qui se passe autour de soi en craignant l’éclatement de la violence. Cette appréhension amène l’enfant à intégrer, dans son filtre interne, une sensibilité importante face aux moindres signaux perçus comme menaçants, anticipant une agression de la part des autres. Il ressent la nécessité d’adopter un comportement parfait afin d’éviter un possible acte de violence. D’un point de vue extérieur, il peut être parfois difficile de comprendre ce qui a été perçu comme menaçant. Cela peut être un geste brusque d’un pair ou le ton plus autoritaire d’un employé face à un groupe énergique.

Impression créée chez les autres

Le tout-petit risque de faire face à des perceptions erronées de la part des autres en lien avec la violence conjugale. Les préjugés à l’endroit de la violence conjugale sont nombreux.

Les adultes peuvent présupposer que l’enfant ne subit pas d’impact de la violence conjugale. Par exemple, qu’il suffit qu’il ne se trouve pas dans la même pièce lorsque les conflits éclatent. Cela est absolument faux.

Il arrive que des éducatrices et des éducateurs affirment qu’il leur est plus difficile d’aimer ces enfants, car ces derniers suscitent un lot d’émotions allant de la peur à un certain dégout.

Certains enfants peuvent craindre d’adopter eux-mêmes des comportements violents « parce qu’on leur a reflété cette image stéréotypée (et extrêmement négative) d’eux-mêmes à de nombreuses reprises » (Thibaudeau et Jolin, 2021).

Impacts

Perception contribuant à l’intégration de son identité

Dans une large proportion, les représentations que les enfants développent des hommes et des femmes sont associées à des perceptions construites en fonction de l’opposition dominant-gagnant-supérieur et dominé-perdant-victime.

RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES

Capacité à faire preuve de sympathie et de compassion

La parentification

La parentification consiste en un renversement des rôles entre les parents et l’enfant. L’enfant adopte des comportements qui s’apparentent à ceux d’un adulte et réfléchit à des éléments et ressent des émotions qui devraient être du ressort des parents. Il adopte un rôle qui n’est pas le sien.

Habituellement, il existe des frontières assez claires entre les différents systèmes qui composent une famille, par exemple entre les parents et les enfants. L’atténuation ou la perte des frontières apparait comme une conséquence de l’exposition à la violence conjugale qui amène l’enfant à adopter un rôle parental actif.

En lien avec les concepts élaborés d’un point de vue de l’attachement, la parentification permet à l’enfant de répondre aux besoins des parents et ainsi rendre son environnement plus prévisible. La stabilité accrue ainsi engendrée lui permet d’augmenter son sentiment de sécurité affective.

La parentification

L’enfant dans ses relations familiales

Les relations familiales de l’enfant exposé à la violence conjugale sont marquées par la crainte d’être victime de violence, la crainte d’être abandonné, la peur, les menaces, l’indifférence, mais aussi par des moments d’accalmie, d’espoir et de plaisir.

Ses parents sont pris dans la tornade de la violence conjugale. Leur disponibilité mentale est réduite; l’enfant peut être livré à lui-même et vivre une expérience de négligence.

L’enfant dans ses relations familiales

L’enfant dans sa relation avec le parent qui subit la violence conjugale

Il est observé que la relation avec le parent qui subit la violence peut être fusionnelle. Le tout-petit présente alors une dépendance exagérée à son parent ainsi qu’une difficulté à se séparer de lui. Il ressent, de façon démesurée, que son parent a besoin de son aide.

Dans certains contextes, et principalement en bas âge, cette relation de proximité entre l’enfant et son parent constitue un facteur de protection. Toutefois, au fil du temps, cette proximité, qui implique un sentiment de protection de l’enfant envers son parent, s’avère nuisible à l’enfant.

Dans un contexte d’exposition à la violence conjugale de l’homme envers la femme, il est probable que l’enfant développe une image négative de sa mère et de la femme en général. Il peut percevoir la femme comme étant soumise, n’ayant pas confiance en elle et s’affirmant très peu.

L’enfant peut refuser l’autorité parentale. Il refuse alors de se plier aux consignes et adopte des comportements perturbateurs comme frapper, mordre ou pousser. Il peut ensuite se sentir responsable et ne pas comprendre les raisons qui l’ont poussé à agir de la sorte.

Il reconnait la tristesse, la détresse et la peur dans le visage de son parent. Il peut se sentir responsable de la violence et croire qu’en devenant meilleur ou parfait, il pourra faire cesser la violence.

Lors du départ du milieu familial ou d’une séparation, il peut blâmer le parent pour l’éclatement de la famille.

L’enfant dans sa relation avec le parent qui commet la violence conjugale

Colère

Il est probable que l’enfant ressente davantage de mépris à l’endroit de son parent. Il vit de la colère en réaction à la violence vécue et aux blessures relationnelles. Si, dans un élan de colère, l’enfant conteste le comportement violent du parent, il s’expose à des risques d’être lui-même victime d’abus physiques.

Tristesse

L’enfant peut éprouver de la tristesse devant l’image du parent qu’il aurait aimé avoir. Il aimerait avoir un parent qui est gentil, et qui prend bien soin de lui et de son parent victime.

Peur

L’enfant se sent intimidé par son parent violent.

Culpabilité

L’enfant peut se sentir coupable de ne pas avoir pu arrêter les actes de violence envers son parent victime, envers lui-même ou envers ses frères et sœurs. Il peut se demander ce qu’il a fait « incorrectement » pour que la violence conjugale se poursuive ou augmente.

L’enfant peut se sentir responsable de s’être associé au parent qui commet la violence, en étant lui-même violent ou en menaçant le parent qui la subit.

Incompréhension

Pourquoi? « Pourquoi est-ce que je vis cela et que mon parent est violent? » L’enfant se retrouve face à des émotions contradictoires. Il aimerait voir davantage son parent violent. À d’autres moments, il voudrait ne plus le voir et arrêter d’entretenir l’espoir que ce parent prendra soin de lui.

L’enfant dans sa relation avec sa fratrie

L’enfant peut adopter différents rôles. Il peut être protégé par une grande sœur ou un grand frère s’il est perçu comme plus vulnérable. Il peut également se positionner lui-même comme un protecteur des plus petits. L’exposition à la violence conjugale peut aussi servir de modèles négatifs dans la fratrie où les relations deviennent alors conflictuelles et empreintes d’agressivité.

L’enfant peut adopter différents rôles. Il peut être protégé par une grande sœur ou un grand frère s’il est perçu comme plus vulnérable. Il peut également se positionner lui-même comme un protecteur des plus petits. L’exposition à la violence conjugale peut aussi servir de modèles négatifs dans la fratrie où les relations deviennent alors conflictuelles et empreintes d’agressivité.

Un faible écart d’âge entre les membres de la fratrie (entre un et deux ans) diminue le soutien mutuel et rend la violence plus menaçante et plus intense.

L’enfant dans sa relation avec ses pairs

Le tout-petit exposé à la violence conjugale présente des difficultés de socialisation. Se faire des amis devient ardu. Il peine à trouver sa place.

On observe une perturbation de l’apprentissage des comportements prosociaux : il est plus difficile pour l’enfant exposé à la violence conjugale de partager, de coopérer, de consoler, d’aider et de se montrer empathique. Cet enfant arrive difficilement à se mettre à la place des autres et à comprendre ce qu’ils vivent. Il présente de faibles habiletés sociales. Il adopte difficilement des comportements qui traduisent un souci du bienêtre des autres.

L’enfant se trouve alors plus isolé dans son service de garde éducatif à l'enfance, voire marginalisé. Il a de la difficulté à faire confiance aux autres. Ses déficits sociaux jumelés à l’ensemble des impacts de l’exposition à la violence conjugale entrainent cet isolement.

Ce tout-petit a du mal à reconnaitre et à identifier les émotions chez les autres, ce qui l’amène à interpréter les signaux de façon erronée dans ses relations. Il peut se sentir indument rejeté par les autres et penser que « tout est toujours contre lui ».

FACTEURS DE PROTECTION

Facteurs de protection des besoins de développement de l’enfant

Facteurs de protection reliés à la santé de l’enfant

Il s’agit d’un tout-petit qui présente une bonne santé globale.

  • Son poids et sa taille se situent dans les normes.
  • Il n’a pas de maladie chronique. Il reçoit les soins de santé nécessaires.
  • Son alimentation, ses activités (par exemple, les exercices de stimulation), sa motricité fine et globale sont suffisamment établies, ce qui favorise son développement physique.

Facteurs de protection reliés à l’éducation de l’enfant

  • Il s’agit d’un tout-petit à qui un ensemble d’opportunités sont offertes, lui permettant de réaliser des apprentissages variés.
  • Il joue avec les autres, il a accès à des livres, il développe des champs d’intérêt, il participe à des jeux.
  • Ce tout-petit développe des moyens de communication variés.

Facteurs de protection reliés au développement affectif et comportemental de l’enfant ainsi qu’à ses habiletés à prendre soin de soi

  • Il s’agit d’un tout-petit qui développe des relations d’attachement sécurisantes.
  • Il s’adapte au changement et manifeste une gestion des émotions adéquate compte tenu de son âge.
  • Il développe son autonomie, tout en étant en mesure de demander de l’aide au besoin.
  • Il tolère généralement bien les limites et les règles.

Facteurs de protection reliés à l’identité de l’enfant ainsi qu’à sa perception de soi

  • Il s’agit d’un tout-petit qui a relativement une bonne perception de lui-même.
  • Il possède une certaine connaissance de sa famille et de son histoire personnelle.
  • Il démontre un sentiment d’appartenance envers sa famille, sa culture et ses milieux significatifs, comme son milieu de garde.
  • Il présente une hygiène adéquate et il est vêtu adéquatement, par exemple en tenant compte des saisons.

Facteurs de protection reliés aux relations familiales et sociales

  • Il s’agit d’un tout-petit qui est en mesure d’établir des relations stables et harmonieuses avec ses parents, sa famille, ses éducatrices et éducateurs, ses pairs.
  • Il adopte un rôle adapté à son âge.
  • Il fait preuve d’altruisme et d’habiletés sociales.