Bien avant l'arrivée des Européens, des liens commerciaux existaient entre les premiers habitants. Dans l'est du Canada, l'activité commerciale remonterait au moins à 6 000 ans. Aux ressources du territoire qu'elles occupaient, les nations autochtones ajoutaient les denrées, les matériaux et les objets acquis par le commerce. Les surplus de biens étaient échangés contre des objets rares ou étrangers dans sa propre région. Plus l'objet venait de loin et plus il était rare, plus il prenait de la valeur.
Les biens offerts variaient selon la spécialisation des groupes. Les Iroquoiens échangeaient leurs surplus agricoles (maïs, courges, fèves, haricots, citrouilles, tournesols et tabac) contre la viande et les animaux à fourrure des peuples algonquiens nomades. Ils obtenaient aussi de l'écorce de bouleau en échange de leurs filets de pêche. Les Algonquiens des côtes du golfe et du fleuve Saint-Laurent offraient plutôt du poisson fumé et des filets de pêche. Les coquillages ramassés sur la côte atlantique ainsi que les plumes d'aigle et les peaux d'écureuil noir connaissaient une grande popularité. Le silex était très apprécié pour la fabrication des pointes de flèches et de certains outils. Les amulettes des Algonquins, qui avaient la réputation d'être dotées de grands pouvoirs spirituels, étaient également très recherchées.
Les échanges se faisaient de proche à proche grâce au troc ou à l'occasion de foires annuelles. Plusieurs nations autochtones se donnaient rendez-vous pour échanger leurs produits. L'été était la saison idéale pour ce genre de rencontre puisque certains groupes, qui venaient de très loin, devaient parcourir de longues distances pour s'y rendre. Un de ces lieux d'échange était situé à Nekouba, sur le lac Nikabau au nord-est du lac Saint-Jean. Les premiers jours de la foire étaient consacrés aux festivités. Chacun prenait plaisir à raconter en détail les péripéties de leur voyage.
Réseau de commerce vers 1500
Grâce au
Le commerce était basé sur la réciprocité, c'est-à-dire sur un échange équivalent entre les deux partenaires comme lors d'un échange de cadeaux. Cette activité représentait plus qu'un simple aspect économique. Le but était d'entretenir de bonnes relations et de consolider les alliances entre les nations. Les liens commerciaux impliquaient aussi le soutien mutuel contre les ennemis en cas de besoin. Par exemple, les Algonquins et les Innus (Montagnais) qui commerçaient avec les Hurons-Wendats étaient aussi leurs alliés militaires.
Les groupes autochtones s'assuraient de leur droit sur les ressources et la circulation des échanges. Chaque groupe se déplaçait à l'intérieur d'un territoire qui lui était propre. Le premier à exploiter une voie commerciale obtenait des droits sur elle. On pouvait toutefois, en échange de présents, obtenir la permission d'utiliser ce parcours ou de traverser le territoire d'un autre groupe dans le but de commercer.
Les Amérindiens avaient développé une tradition diplomatique efficace. Les ambassades et la coutume de réparation permettaient d'éviter les conflits ou d'y mettre un terme. Grâce à la coutume de réparation, au lieu de se venger ou de punir le coupable, on pouvait réparer les torts faits à la victime ou à sa famille en lui offrant des présents. La valeur des cadeaux variait selon l'importance de l'individu ou son sexe.
Le déroulement des ambassades se faisait selon les règles et les rituels diplomatiques autochtones. Ces rencontres servaient à négocier des trêves, sceller des ententes ou consolider l'amitié entre les groupes. Les pourparlers débutaient par l'expression des condoléances. Cette cérémonie imagée permettait la réconciliation. On pleurait réciproquement ses morts, on couvrait les dépouilles de présents et on essuyait les larmes de ses ennemis. Ensuite, on débouchait les oreilles pour bien entendre et on dégageait la gorge pour pouvoir s'exprimer avec facilité et parler de paix avec sincérité. Les nuages étant dissipés de l'air, les délégués pouvaient voir clair dans leur cœur. Les discours des orateurs étaient appuyés par des colliers de porcelaine ou wampums.
Source : Wampum, Collection Musée de la civilisation, dépôt du Séminaire de Québec
Photo : Claude Demers, UQTR
Les coquillages, appelés wampum ou porcelaine, remplissaient des rôles diplomatique, commercial et cérémoniel. Les wampums témoignaient des événements importants comme la conclusion d'ententes commerciale, politique ou militaire. Conservés précieusement, ils représentaient les archives de la nation que les aînés interprétaient. Ils servaient également de parures, de dédommagements en cas de meurtre et dans les rituels de condoléances. En l'absence de wampum, surtout chez les nations des Grands Lacs, moins pourvues en coquillages que les nations côtières et les Iroquois, des peaux de castor ou d'autres animaux, du tabac, des haches et des vêtements servaient d'objets d'échange.
Les accords entre nations étaient confirmés par un échange de présents, généralement le wampum. Le troc de cadeaux était une obligation diplomatique et sociale quand les gens se rendaient visite. Les présents étaient essentiels puisqu'ils détenaient le pouvoir d'apaiser la colère, de sécher les larmes, de conclure des traités de paix ou de mener des nations à la guerre, et de délivrer des prisonniers. On les utilisait périodiquement lors de cérémonies pour remémorer et renouveler des ententes. Le don puis l'acceptation des présents représentaient un engagement mutuel.
Tout comme les expéditions commerciales, ces réunions étaient agrémentées de fêtes et de festins qui duraient plusieurs jours. On troquait des biens, on dansait, on participait à des rituels et on écoutait des discours très imagés, ponctués de métaphores.