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Trousse virtuelle à l'intention du personnel éducateur œuvrant auprès des enfants 0-5 ans

J'interviens · Préoccupation

J'interviensPréoccupation

J’interviens auprès d’un enfant exposé ou pouvant être exposé à la violence conjugale

Ce rôle fait référence à la compétence « Savoir planifier et organiser des actions éducatives » qui constitue l’une des neuf compétences essentielles du personnel éducateur et du (de la) RSGE.

(Référentiel de compétences des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance)

J’effectue des interventions spécifiques auprès de l’enfant qui verbalise des situations d’exposition à la violence conjugale.

  • L’ensemble des interventions peuvent être appliquées en individuel ou en groupe.
  • Le contexte de groupe est un outil important d’intervention.
    • Il est possible de relancer des questions au sein du groupe ou de favoriser l’expression de soutien entre les enfants (ex. : « Est-ce qu’il vous arrive, vous aussi, de… », « Comment est-il possible de réconforter [nom de l’enfant]? Peut-on lui faire un câlin? Lui prêter un toutou spécial pour la journée? »)

Respecter le rythme de l’enfant

Chaque enfant est différent. Certains sont de véritables livres ouverts (évitez alors de l’interrompre) alors que d’autres sont plutôt renfermés. Un enfant peut avoir besoin de temps pour se confier sur différents aspects de sa situation familiale.

En savoir plus

Vous n’avez pas à trouver des preuves et à agir comme un « enquêteur ». Il s’agit d’écouter l’enfant, sans le forcer à parler.

Démontrer du soutien envers l’enfant

L’enfant qui se confie compose avec une foule d’émotions et de conséquences qui ne sont pas toujours faciles à gérer.

  • Rassurer l’enfant qu’il a pris la bonne décision en choisissant d’en parle.

    En savoir plus

  • « Je suis là pour t’écouter et faire de mon mieux pour t’aider ».
  • « Tu es en sécurité en ce moment. »
  • « Ici, tu as le droit de dire ce qui est difficile chez toi et ce que tu n’aimes pas. »
  • « Il y a d’autres amis qui vivent la même chose que toi. Tu n’es pas seul(e). »
  • Intégrer différents gestes de soutien envers l’enfant.

    En savoir plus

Gestes de réconfort

Ex. : le bercer, le prendre dans ses bras, lui flatter le dos, lui offrir sa doudou ou un toutou

Gestes de symbolisation

Ex. : utiliser de la pâte à modeler ou des crayons et du papier en soutien aux discours

Croire l’enfant

Nommer à l’enfant que vous le croyez.

Porter attention au ton de voix que vous employez.

Exemples :

  • « Merci beaucoup d’en parler avec moi. C’est important ce que tu fais. »

  • « Je crois ce que tu me dis et je sais que c’est vrai. »

Poser quelques questions ouvertes

Dans le but d’établir un dialogue avec l’enfant, sans toutefois agir comme un « enquêteur » (et encore moins essayer de trouver des preuves). Poser des questions permet à l’enfant de s’ouvrir sur ce qu’il garde à l’intérieur de lui.

  • Les questions visent, entre autres, à ce que l’enfant décrive des éléments du contexte.
  • Utiliser des formulations de type : « Parle-moi de ta famille, de papa, de maman, de [nom de la personne] ».
  • Utiliser des questions ouvertes débutant par « Qu’est-ce qui  « Qu’est-ce  ou « Comment » plutôt que par « Pourquoi ».
  • Exemples :

    • Qu’est-ce qui se passe dans ton cœur?
    • Qu’est-ce que tu fais pendant la grosse dispute?
    • Comment ça s’est passé lorsque tu es arrivé dans cette maison qui n’est pas à toi? (situation d’hébergement)

Normaliser l’expression des émotions et des besoins de l’enfant

Chez les tout-petits, les émotions se manifestent majoritairement par l’entremise de leurs comportements. Le lien entre leurs comportements, leurs besoins et leurs émotions doit être expliqué.

« C’est normal que tu n’aimes pas que [nom du parent] fasse [nommer la situation]. Tu as le besoin d’être en sécurité. »

« Tu dois vivre une grosse colère. On dirait que c’est ce que tu essaies de dire quand tu [nommer le comportement]. »

« Je comprends que tu vives de la peur; tu as besoin de te protéger. »

« Tu as raison d’avoir de la peine; ton corps agit de façon […]. »

Prendre position contre la violence

Assurer la sécurité

Le positionnement de l’éducatrice, de l’éducateur ou du (de la) RSGE doit absolument être accompagné de l’apprentissage des scénarios de protection. Un enfant qui se positionne physiquement ou verbalement pendant un épisode de violence conjugale met sa sécurité physique et psychologique en péril. L’enfant doit apprendre à se protéger.

  • L’éducatrice, l’éducateur ou le (la) RSGE doit informer l’enfant que la violence est inacceptable, et ce, peu importe sa forme. Le positionnement doit porter sur les comportements violents et non sur le parent en soi, faute de quoi le conflit de loyauté peut être accentué.

    Conflit de loyauté et cadre d’analyse écosystémique

  • Cette prise de position doit permettre à l’enfant de comprendre qu’il n’est pas responsable de la situation de violence conjugale et qu’il ne doit pas s’en blâmer.
  • Les enfants protègent leurs parents malgré ce qu’ils peuvent vivre auprès d’eux. Il faut du temps pour les aider à s’ouvrir et à faire preuve d’empathie à l’endroit de leur propre souffrance qui est parfois bien cachée derrière des réactions comportementales.

Favoriser le recours à des interventions ludiques auprès de l’enfant exposé à la violence conjugale.

Matériel ludique

À cette étape, le protocole d'intervention permet d'avoir une vue d'ensemble des actions qui peuvent être posées selon chacun des rôles.

Consultez le document (version interactive)

À éviter

  • Éviter de faire des promesses impossibles à tenir (ex. : si l’enfant demande de garder secrète la violence conjugale dont il est témoin).
  • Éviter d’aborder la situation entre collègues devant les enfants. Un tout-petit en âge de comprendre pourrait répéter des phrases entendues, affectant ainsi sa propre sécurité.
  • Éviter de se laisser submerger par ses propres émotions (ex. : en manifestant de la colère à l’endroit du parent auteur de comportements violents). Reconnaître ses propres émotions permet d’aller chercher du soutien.

À éviter

  • Éviter de renforcer le sentiment de culpabilité (ex. : « Qu’est-ce que tu as bien pu faire pour mettre ton parent dans cet état? »).
  • Éviter de se positionner en recommandant une rupture de la relation entre ses parents (ex. : « Maman devrait s’en aller. »).
  • Éviter de porter des jugements (ex. : « Tes parents ne sont pas tellement gentils. »).
  • Éviter de justifier les gestes de violence (ex. : « Ton parent, il ne l’a pas facile ces temps-ci. »).

Des impacts qui perdurent

La filière de l’agression physique (Lacharité et Xavier, 2009)

  • L’exposition à la violence conjugale peut amener l’enfant à adopter des comportements agressifs envers ses pairs et son personnel enseignant. Il lui est difficile de suivre les consignes. Il se montre irritable.
  • Plus l’enfant s’attribue une responsabilité face à la violence conjugale, plus il manifeste des problèmes de comportements extériorisés.
  • À l’adolescence, les comportements de passage à l’acte deviennent plus importants : délinquance juvénile, destruction de biens, tendance à se battre, risque d’adoption d’une trajectoire de criminalité ou de violence.
  • Pour l’enfant, le fait d’être exposé à la violence conjugale de l’homme envers la femme engendre, de façon plus significative, des comportements agressifs, et ce, particulièrement chez les garçons. L’imitation suivie de l’intégration d’un modèle masculin violent de même que la socialisation basée sur les stéréotypes de genre contribuent, entre autres, à cette reproduction de la violence.

La transmission intergénérationnelle de la violence

  • Plusieurs recherches indiquent que les jeunes qui ont vécu l’exposition à la violence conjugale sont davantage à risque de vivre de la violence dans leurs propres relations intimes.
  • Les jeunes garçons exposés à la violence conjugale démontrent des risques plus importants de devenir eux-mêmes des auteurs de comportements violents dans leurs futures relations intimes.

Point de recherche : dans leur étude consacrée aux hommes qui adoptent des comportements violents, Lussier et Lemelin (2002) mettent en évidence que 79 % de ces hommes déclarent avoir été exposés à la violence verbale de leurs parents durant leur enfance, et que 35 % d’entre eux affirment avoir été témoins de violence physique dans le couple formé par leurs parents. Ces hommes confient également avoir subi de la violence physique (64 %) ou verbale (85 %) pendant l’enfance. De plus, 24 % d’entre eux indiquent avoir été victimes d’abus sexuel dans leur enfance ou durant leur adolescence.

Impacts sur la vie scolaire

  • L’enfant est significativement plus à risque de développer des problèmes sur le plan cognitif et scolaire (déficit des habiletés verbales, intellectuelles et motrices, décrochage scolaire, etc.).
  • L’enfant témoin d’actes de violence, ou qui l’a été dans le passé, est parfois préoccupé par cette problématique et manifeste des difficultés à se concentrer sur ses tâches scolaires.
  • L’enfant présente un plus haut taux d’absentéisme scolaire, ainsi que davantage de retards académiques et de problèmes d’apprentissage.

Anxiété et dépression

  • L’enfant ressent de l’inquiétude, un état de tension intérieur et une angoisse qui se traduit par des manifestations physiques (ex. : difficulté à respirer, battements cardiaques accélérés). Il anticipe ce qui pourrait survenir, comme des conflits. Il ressent un sentiment de menace.
  • L’enfant se dévalorise, par exemple en se disant qu’il n’est pas bon, que les autres sont toujours meilleurs que lui. Il voit la vie en noir et des idées suicidaires peuvent survenir.

Relations sociales

  • Le développement social de l’enfant peut être retardé, les conséquences de l’exposition à la violence conjugale les empêchant de bénéficier de la disponibilité psychologique nécessaire pour investir des relations sociales.
  • L’enfant peut aussi utiliser des stratégies chargées d’agressivité afin de résoudre les problématiques, suscitant des conflits et du rejet de la part des pairs.
  • Les adultes peuvent observer que l’enfant craint ou refuse d’inviter des amis à la maison.
  • L’enfant vit davantage d’isolement social et d’intimidation que les autres enfants.

Impacts sur les habitudes de vie

  • Des habitudes de vie dommageables sont plus souvent observées : perturbation des habitudes alimentaires ou du sommeil, abus d’alcool ou de drogues, fugue, prostitution, grossesse précoce.
  • « Les expériences préjudiciables vécues dans la petite enfance peuvent engendrer un sentiment d’inefficacité, ou de résignation acquise, ce qui constitue un déterminant majeur de mauvaise santé » (Mikkonen et Raphael, 2011).

Trauma complexe (Référence : 10 questions sur le trauma complexe, Grisé-Bolduc, M-E.)

  • De nombreuses études démontrent que l’exposition à la violence conjugale engendre des symptômes reliés au stress posttraumatique (anxiété, irritabilité, pensées importunes et rappels d’images de la violence, évitement des situations qui rappellent à l’enfant les actes de violence dont il a été témoin).
  • Les dernières conceptualisations face aux traumas amènent à comprendre les impacts vécus par ces enfants ainsi que leur situation sous l’angle du trauma complexe.
  • Le traumatisme complexe réfère aux conséquences des évènements traumatiques interpersonnels qui se produisent de façon chronique et cumulative (Herman, 1992) et qui débutent dans l’enfance, souvent à l’intérieur du système de soin, dans un contexte ou une relation spécifique (Cook et coll., 2005; Courtois, 2004; Pelcovitz et coll., 1997).
  • Il est important de demeurer vigilant face aux étiquettes attribuées à ces enfants : difficile, demandant, opposant, hyperactif, délinquant. Notre compréhension doit tenir compte de l’exposition à la violence et nous devons nous montrer sensibles face aux contextes traumatiques.