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11 janvier 2022 (10:00)
Le « lâcher prise » et l’autodétermination en milieu scolaire

Par Catherine Charette, auxiliaire de recherche pour la Chaire Autodétermination et Handicap

Prof

Si on a appris quelque chose en 2020 et en 2021, c’est bien cette notion de « lâcher prise ». La pandémie a mis en lumière notre capacité à gérer une certaine « perte de contrôle » et même d’en apprécier certains aspects, comme celui de ralentir le rythme. Pourquoi ne pas faire profiter nos élèves de cet apprentissage ?

 

Développer l’autodétermination d’élèves en situation de handicap place l’intervenant dans un dilemme constant. Notre représentation du métier d’enseignante s’est souvent construite à travers notre propre expérience d’élève, où celui-ci est perçu comme une personne en situation d’autorité qui se doit d’avoir un contrôle sur ces élèves et qui doit planifier les activités pour ceux-ci. De plus, le choix d’un métier impliquant des aptitudes en relation d’aide prédispose l’enseignante à se placer en mode « je suis là pour t’aider, pour palier à tes difficultés ». Cette posture professionnelle, bien que très positive, comporte des pièges. Comment favoriser le développement de l’autodétermination des élèves en situation de handicap alors qu’ils dépendent des adultes dans l’exécution de plusieurs tâches ?

 

Plusieurs enseignantes témoignent qu’un des premiers pas qu’elles ont fait vers des pratiques favorisant le développement de l’autodétermination est, tout simplement, de lâcher prise…Voici 5 conseils pour vous aider à le faire.

 

  1. Se taire

Oui, quand on choisit l’enseignement, c’est souvent parce qu’on aime parler ! Mais sans le vouloir, on prend beaucoup de place. Les enseignantes qui se filment et se regardent (s’écoutent !) le constatent rapidement. « Enlève tes mitaines, détache ton manteau, accroche-le, non, pas comme ça !...». Les élèves sont bombardés de consignes ce qui leur laisse peu de place pour explorer d’autres façons de poser des actions. Demain, après avoir salué très chaleureusement vos élèves, essayez de garder le silence. Levez notre pouce et souriez-leur pour les encourager et les féliciter. Si Thomas oublie d’enlever ses mitaines avant de détacher son manteau, ne dites rien. Attendez. Qui sait ? Il trouvera peut-être la solution lui-même.

 

  1. Laisser du temps

C’est vrai, une journée de classe, rythmée au son des cloches, laisse peu de place à l’improvisation. Malgré tout, ça peut valoir la peine d’étirer la période pour laisser Julia trouver la solution pour sortir cette boite à lunch trop grosse de son sac ou pour Ryan de trouver une façon d’ouvrir la porte de la classe alors qu’il a son sac, son agenda et sa boite à lunch dans les mains.

 

  1. Être flexible

Oui, une routine est importante et une structure est essentielle pour diminuer l’anxiété de nos élèves (et des adultes ?). Ce matin, Gabriel vide son sac avant de se déshabiller ? Myriam veut saluer son enseignante de l’année dernière avant d’enlever ses bottes ? Lucas arrive en grognant et a besoin de quelques minutes seul pour gérer son émotion ? Sans dire que tout ça peut se faire simultanément (on n’a que deux bras après tout !), une petite souplesse dans la routine pourrait permettre aux élèves de prendre quelques initiatives et d’en tirer des apprentissages importants.

 

  1. Apprendre à vivre avec les (petits) risques

Les élèves sont sous votre responsabilité. Vous les voulez en sécurité. Ce matin, Shawn demande d’aller à la toilette, mais la T.E.S. est avec Lucas (qui n’a pas encore géré son émotion) et la préposée est partie avec Myriam à la toilette (elle a enlevé ses bottes et est maintenant prête, malgré le petit bonjour à son ancienne enseignante). Shawn est autonome à la toilette, il n’est pas « fugueur », mais on ignore s’il pourra s’y rendre seul…Et si on essayait aujourd’hui ? Un appel sur le talkie-walkie pour informer les collègues qui pourraient le croiser rassure l’équipe. On le laisse aller, en le suivant des yeux jusqu’au bout du corridor. Il revient quelques minutes plus tard avec un grand sourire : « Moi tout seul ! ». Oui, il est possible qu’il soit entré dans le mauvais local, qu’il soit allé toucher au TNI d’une collègue (oui, oui, il est sorti de sa bulle-classe quelques secondes), mais il a réussi !

 

  1. Laisser les élèves explorer

Ce matin, à la collation, c’est la journée « bol de céréales », une nouvelle activité proposée aux élèves. On a préparé une séquence visuelle avec chacune des étapes pour exécuter la tâche de A à Z. Ce matin, ne sortez pas la séquence visuelle. Laissez le matériel à leur disposition et observez : Myriam prend la boite de céréales et l’ouvre toute seule, Shawn n’arrive pas l’ouvrir, mais demande de l’aide. Lucas tape sur la table avec sa cuillère. Gabriel dit qu’il n’aime pas les céréales et Thomas met le bol sur sa tête pour faire rigoler les amis. Prenez le temps de voir qui a besoin de quoi. Est-ce que tous les élèves ont besoin de la séquence ? Peut-être que Myriam peut se servir des céréales seule et que Thomas et Lucas ont besoin d’apprendre la séquence au complet. Tout ça prendra plus de temps (et il y aura des dégâts). N’oubliez pas le conseil #3.

 

Lâcher prise, c’est parfois difficile. Comme enseignante, on se sent responsable de planifier, d’organiser, de coordonner, de prévoir…Lâcher prise, c’est laisser un peu plus de place aux élèves pour qu’ils développent des capacités liées à l’autodétermination (prendre des initiatives, faire des choix, résoudre des problèmes), même s’ils sont tout petits ou qu’ils ont peu d’autonomie.


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